L'épopée des Gaulois
se prolongeait entre les Gaulois et les Romains. Pour la plupart des Gaulois, Jules César n’apparaissait plus comme leur protecteur contre les Germains ou le médiateur dans les fréquentes querelles de voisinage ou d’intérêt qui éclataient sur le territoire de la Gaule entre les divers peuples qui désiraient pourtant vivre en paix et en bonne entente les uns avec les autres. On savait maintenant que le proconsul était un conquérant avide de pouvoir, un ambitieux qui cherchait la gloire à l’extérieur de son propre pays afin de revendiquer ensuite la primauté à Rome. Même chez ses amis les Éduens, pourtant bien engagés à ses côtés, on se rendait compte qu’après chaque campagne victorieuse ou non, César rentrait à Rome se présenter en triomphateur devant le Sénat. Seuls, les Rémi faisaient les aveugles, liés qu’ils étaient par un traité d’alliance et d’assistance mutuelle. Ils avaient cependant décidé de se tenir à l’écart de tout ce qui pourrait se passer.
On savait aussi que Jules César était retenu à Rome pour tenir son rang dans les intrigues et les troubles de la vie politique. Les chefs gaulois, tout heureux de cette absence, sentaient que le moment était venu de déclencher une révolte libératrice. Le mouvement de résistance ne partait pas de la Belgique, cette fois, mais de la Celtique, notamment chez les Sénons qui s’enorgueillissaient d’avoir été les vainqueurs de la bataille de l’Allia et d’avoir semé la terreur chez les Romains. Ils brandissaient comme étendard l’image du malheureux Acco, torturé et supplicié par ordre personnel du proconsul, et les Carnutes, qui se sentaient au centre même de la Gaule, se joignirent aux Sénons, s’engagèrent avec eux à reconquérir la Gaule et envoyèrent partout des émissaires chargés de rameuter l’ardeur de peuples qui tendaient à oublier l’héroïsme de leurs ancêtres. Quant aux druides, ils tenaient eux aussi des discours vengeurs envers les Romains, ces infidèles qui croyaient en des dieux jaloux et mesquins, dévorés par tous les vices des humains. Le but qu’ils proposaient était très simple : isoler les armées romaines de leurs bases de départ et de leur chef suprême, en bloquant le passage de la vallée du Rhône à la vallée de la Seine.
Mais pour que ce plan eût quelques chances de réussite, il eût fallu que les Éduens, qui détenaient en somme les clefs de ce passage, acceptassent de rompre leur alliance avec Rome, et cela semblait prématuré pour l’instant. Alors, on se rabattit sur les éternels rivaux des Éduens, les Arvernes, qui n’avaient guère fait parler d’eux pendant les six dernières années, se sentant bien à l’abri derrière leurs montagnes, n’intervenant dans aucune action et ayant ainsi sauvé leur indépendance et leur puissance économique qui était considérable, car ils commerçaient constamment avec la province romaine de Narbonnaise et avec les Massaliotes. Pourtant, les Arvernes avaient été les héros de la lutte contre les Cimbres, et ils avaient toujours eu le sens de l’honneur et de la liberté.
Ayant ainsi établi des contacts et des traités les uns avec les autres, les chefs se réunirent dans des endroits écartés, généralement au plus profond des forêts, là où les druides enseignaient les jeunes gens qui venaient les trouver. Les chefs carnutes, qui étaient Cotuatos et Conconétodumnos, insistèrent sur le fait que les Romains étaient complètement isolés parmi les peuples gaulois et qu’ils dépendaient entièrement du bon vouloir des populations pour se ravitailler en blé et en fourrage.
— La première chose à laquelle on doit aviser, répétèrent-ils dans ces assemblées, c’est de couper César de son armée avant que nos projets ne soient divulgués. C’est facile, assurément, car les légions n’oseront pas, en l’absence de leur chef, sortir de leurs quartiers d’hiver et, de son côté, un chef, sans escorte, ne peut rejoindre ses troupes à travers un pays ennemi. Et puis, après tout, il vaut mieux mourir en combattant que ne pas recouvrer l’antique honneur et la liberté que nos aïeux nous ont légués.
On discuta longtemps de ces projets. Les Carnutes déclarèrent qu’il n’y avait pas de danger qu’ils n’acceptassent pour le salut de toute la Gaule, et ils promirent solennellement d’être au premier rang des révoltés.
— Puisque, pour le moment, dirent-ils, on ne
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