Les 186 marches
membre de la direction avec un tout petit nombre de Français. Il est évident, dans ces conditions, que le groupe français ne pouvait peser d’un grand poids dans le Comité international, ceci jusqu’à l’arrivée du convoi de Blois et de Compiègne au début 1944.
– Des consignes précises, quant à l’organisation, nous furent transmises par les camarades Ulmann, dit Pichon, et London, confirmant d’ailleurs et précisant l’organisation des groupes de trois et la nécessité de donner une impultion au Comité international.
– L’union du collectif français. La première tâche fut de reconstituer le triumvir de direction. Ce furent les camarades Ricol et Lampe qui furent désignés avec moi. En raison de mon travail au kommando Pumpenstätion, je pris le camarade Daix comme secrétaire, chargé des liaisons avec la Schreiberstube Pany pour le règlement des cas urgents. En même temps, fut constitué un triumvir des jeunes avec Tony Rupnik, le camarade du Rüstung dont je ne me souviens plus le nom, Legaleux et Séguy. Les camarades de Blois étant quelque peu divisés, la première tâche du « triangle » a constitué à résoudre cette question et à réaliser l’homogénéité des communistes, prélude à la formation du front national groupant tous les Français. Les travaux de solidarité, d’information se sont trouvés fortement améliorés, notamment par le classement, par les camarades de la Schreibstube, sur décision du Comité international des Français dans certains kommandos importants pour la solidarité (pain, magasin d’habillement, etc.).
– Front national et familles. Après contact avec différents déportés, fut constituée une direction appelée Front national, composée selon mes souvenirs de Guillon (Salado), de de Bouard, Savourey, Ricol et du docteur Fichez. Dans le même temps, la solidarité était répartie selon le système des familles, c’est-à-dire selon les blocks, les activistes invitaient d’autres camarades au partage des soupes fournies par les Espagnols et concentrées par le colonel de Saint-Gast : du pain, de la margarine, du saucisson (soit organisés, soit achetés par des cigarettes fournies par des camarades). Cette forme d’organisation, même imparfaite, a permis de raffermir les liens d’union et d’aller plus en avant.
– Quelques jours après ma sortie de quarantaine, Rabaté vient me chercher au block 10. – « J’ai besoin de te parler… » Je comprends ce que cela signifie : il faut éviter les oreilles indiscrètes. Dans la cohue dont le camp offre le spectacle, aux heures du soir, il est – si paradoxal que cela semble – assez facile de s’isoler. Parmi les groupes, plus ou moins nombreux, qui arpentent l’appelplatz ou les allées, combien tiennent des conversations que ne doivent entendre ni les S. S., ni les « moutons » qu’ils ont parmi nous… On prend très vite l’habitude de surveiller ses voisins sans en avoir l’air, d’éviter que le mot compromettant (dans quelque langue qu’il soit prononcé) sorte au moment où l’on croise quelqu’un. Ainsi, quand nous voyons se promener côte à côte Rabaté, Frédo Ricol et Maurice Lampe, les initiés n’ont-ils guère de doute sur l’objet de leur conversation ; on sait, ou l’on devine, que leur « triangle » constitue la direction du groupe communiste français. Mais, à déambuler sur l’appelplatz, ils éveillent beaucoup moins l’attention que s’ils tentaient de se dissimuler dans quelque cul-de-sac, derrière un block.
– En cheminant parmi les groupes qui se coudoient, Rabaté m’explique l’affaire : « Le Parti estime que le moment est venu d’organiser le « collectif » des Français (en argot du camp, on appelle « collectif » l’ensemble des internés appartenant à une même nationalité). Nous apporterons à cette œuvre notre (expérience de l’action clandestine et l’appui que nous donneront les groupes communistes des autres nationalités. Il s’agit, en somme, d’appliquer les mots d’ordre reçus à Compiègne. Frédo Ricol désire te voir à ce sujet. »
– Le lendemain, je vais voir Frédo, malade au block 5. Ce baraquement est alors divisé en deux : une partie abrite des Israélites, soumis à un régime particulièrement dur ; l’autre est aménagée en infirmerie : on y est mieux installé et mieux soigné qu’au camp des malades (Krankenlager) ; mais le nombre de places étant
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