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Les 186 marches

Titel: Les 186 marches Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christian Bernadac
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comportement n’avait cessé d’être exemplaire. Ce n’était donc pas la crainte ni la tiédeur des convictions qui dictaient son opposition ; il estimait folle l’idée d’une direction internationale et tenait à un strict cloisonnement entre les groupes nationaux : c’était, en cas de coup dur, le seul moyen de limiter les pertes. Bien que Dahlem fût l’un des plus vieux internés du camp, l’on passa outre son avis ; d’ailleurs, bon nombre de communistes allemands – et à leur tête celui que nous appelions « le petit Otto » – ne partageaient pas le sentiment de Franz.
    – Chez les Tchèques, il y eut, au début, quelques hésitations. L’un d’eux, Luft, très écouté de beaucoup de ses compatriotes, faisait siennes les objections de Dahlem. La majorité des responsables tchèques, Hofman à leur tête, accepta pourtant le projet présenté par Gérard, et Luft, lui-même, ne tarda pas à s’y rallier. Le groupe tchèque devait alors, je l’ai dit, fournir à l’organisation internationale une contribution de premier ordre. Disposant de quelques positions clés, il en fit profiter les autres « collectifs » ; sans lui, la solidarité n’aurait guère pu s’organiser sur le plan international. C’est lui, en particulier, qui, à l’automne de 1944, mit tout en œuvre pour sauver trente-cinq officiers russes et polonais, envoyés du camp du Strutthof à la compagnie disciplinaire de Mauthausen (Strafkompanie) pour y être exterminés ; trente-quatre de ces hommes furent, de justesse, arrachés à la mort (1).
    (1) Gérard, qui était alors secrétaire adjoint du block 13, qui abritait la compagnie disciplinaire, put faire passer en fraude à ces trente-cinq hommes, les suppléments alimentaires collectés pour eux dans le camp – pour la plus large part parmi les Tchèques. Ainsi les condamnés purent-ils supporter l’effroyable épreuve à laquelle on succombait d’ordinaire en moins de quinze jours.
    – Les communistes autrichiens, dont l’un des responsables, Mayer, devait être décapité trois mois plus tard, adoptèrent d’emblée le projet de direction internationale ; le premier organisme de cette direction fut d’ailleurs composé de trois Autrichiens : Kohi, Marsalek et Mayer jusqu’au moment où (fin août), les divers « collectifs » s’étant mis d’accord, ce comité de direction fut notamment élargi ; il comprit alors Rabaté, Razola, Hofman (remplaçant Gérard qui venait de tomber malade) et Kohl. Dahlem acceptait de collaborer avec lui, mais non d’en faire partie. C’est seulement en février 1945 qu’il devait y rentrer. Quant à l’organisation du « collectif » français, le plus difficile était de le mettre sur pied à l’insu même de ceux qui devaient y être incorporés. Pas question, en effet’, de révéler à tous le caractère militaire que devait, en fin de compte, assumer cette organisation. On convint donc de ne parler que de solidarité. De cela, en cas de mouchardage, les S. S. ne pouvaient guère s’émouvoir. Au demeurant, l’action de solidarité était bien la plus urgente ; pour se battre un jour et affronter victorieusement l’épreuve finale, il fallait durer, vivre ; c’est-à-dire échapper à la faim, au froid, aux brutalités. A la base, les Français furent donc répartis en « familles » ; on appela de ce nom – aussi peu guerrier que possible, et choisi comme tel – des groupes de quatre ou cinq hommes. Souvent, c’étaient les seuls Français que comptait une chambrée ; ils s’étaient donc spontanément rapprochés les uns des autres et se réunissaient, le soir, pour prendre leur « repas ». Ailleurs, lorsqu’un block comptait beaucoup de Français – tels les blocks 8 et 15 – il avait fallu discrètement intervenir pour susciter la formation de telles « familles ». Pour motiver pareille intervention, nous avions allégué qu’un effort allait être fait pour procurer à nos compatriotes quelques suppléments de nourriture, dont il fallait prévoir la répartition. Mais, dans chaque « famille », un homme en savait un peu plus long que les autres ; nous l’appelions le « chef de famille » ; il devait être initié par degrés à la plupart des tâches que s’assignait l’organisation. Assez vite, nous en vînmes à choisir, dans chaque block, un chef de famille particulièrement sûr, qui, seul, fût en contact direct avec l’un des membres de notre

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