Les 4 vies de Steve Jobs
mouillés tant il est ému, il dévoile lentement l’enfant prodige, puis introduit une disquette dans la fente frontale.
Dans la salle, chacun retient son souffle, tandis que les haut-parleurs retentissent des accents grandioses de la musique du film Les Chariots de Feu qu’a composée Vangelis. Les mots « démentiellement géant » ( insanely great ) viennent s’inscrire sur l’écran. Puis, le dessin d’une geisha conçue sous MacPaint s’affiche avant de laisser la place à MacWrite et ses jolies polices d’imprimerie.
Dès la première seconde, il apparaît que le Mac a été pensé pour le grand public et non pour les informaticiens. Il n’est plus nécessaire de taper des instructions complexes comme sur le PC d’IBM. La technologie est dissimulée sous un univers familier : dessins, dossiers, documents, corbeille à papier… Dans MacPaint , le dessin est effectué le plus simplement du monde à l’aide d’un crayon et d’une gomme.
Pour mieux se distinguer, Macintosh salue l’utilisateur en souriant. Mieux encore, il parle…
« Nous vous avons beaucoup parlé du Macintosh récemment, déclare Jobs, sourire aux lèvres. Aujourd’hui, j’aimerais laisser le Macintosh vous parler lui-même. »
De la petite boîte blanche sort une voix synthétique et tandis qu’elle s’exprime, les mots prononcés s’affichent sur l’écran :
« Bonjour, je suis Macintosh.
C’est vraiment formidable d’être sorti de mon emballage.
Je ne suis pas habitué à parler en public mais j’aimerais vous confier une maxime qui m’est venue la première fois que j’ai vu un gros système IBM.
NE FAITES JAMAIS CONFIANCE À UN ORDINATEUR QUE VOUS NE POUVEZ PAS SOULEVER ! »
Dans la salle, les rires fusent.
« Il est clair que je peux parler. Mais pour le moment, je préfère me détendre et écouter. C’est avec une considérable fierté que j’aimerais vous présenter quelqu’un qui est comme un père pour moi : Steve Jobs. »
Il s’ensuit une ovation digne de la prestation d’un ténor de l’Opéra. Jobsen profite pour faire acclamer les membres de l’équipe qui a conçu le Mac et qu’il a répartis sur les cinq premiers rangs de l’auditorium.
Du jour au lendemain, l’IBM PC apparaît comme une vieillerie, un ordinateur ringard et démodé…
Le Macintosh fait l’objet d’une campagne à grande échelle visant à le présenter comme un micro-ordinateur fabuleux tirant un trait sur le passé. Apple investit un budget colossal – 15 millions de dollars – pour diffuser internationalement ce message.
Le Macintosh fait la Une de magazines branchés tels que Rolling Stone et Steve Jobs, devenu plus que jamais un héros de la culture américaine, donne plus de deux cents interviews et participe à d’innombrables séances photos. Le Mac est cité aux informations télévisées et fait l’objet de commentaires en radio.
L’euphorie liée au Macintosh est si intense qu’elle en vient à masquer un fait : l’Apple II demeure, bon gré mal gré, le best-seller maison. Si Apple a pu se maintenir à flot malgré les échecs successifs de l’Apple III et de Lisa, c’est grâce aux déclinaisons de l’Apple II.
Le 24 avril 1984, Apple lance l’Apple IIc, une version compacte de l’ordinateur conçu parWoz. Pourtant, au cours de la présentation, sur la scène du Moscone Center, Jobsconsacre la plus grande partie de son speech à faire l’apologie du Macintosh et des ventes qu’il a connues durant ses cent premiers jours.
« Il a fallu deux ans et demi pour que l’Apple II se vende à 50 000 exemplaires. Il a fallu 7 mois et demi à l’IBM PC pour atteindre ce chiffre. Il n’a fallu que 74 jours au Macintosh pour atteindre ce niveau ! »
Se gargarisant de tels chiffres, Jobsaffirme que la cible qu’Apple s’est fixée a été dépassée, que le Mac en est déjà à 60 000 exemplaires et que les 70 000 exemplaires devraient être atteints d’ici le 2 mai. Enfin, il affirme que « le Mac est l’Apple II des années quatre-vingt », ce qui n’est pas pour plaire à Wozniak, qui est revenu chez Apple l’année précédente.
Au niveau des campus, le Mac est un succès. Harvard, Stanford, Princeton, Brown et huit autres universités s’engagent à en acquérir pour 2 millions de dollars dans les deux années à venir 47 . Pourtant, au niveau général, la déconvenue est rapide. Certes, le Mac est une vraie révolution. C’est la
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