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Les Amants De Venise

Titel: Les Amants De Venise Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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départ.
    Au-dehors, on entendait la confuse rumeur d’une foule qui se
place pour voir un spectacle.
    Alors le cortège s’ébranla et descendit l’escalier des
géants.
    Au moment où ils débouchèrent sur la place Saint-Marc, les
hérauts vêtus de soie pourpre et galonnés d’or entonnèrent une
marche triomphale, les trois cents prêtres, vicaires, chanoines,
coadjuteur en tête, attaquèrent des chants liturgiques, la foule
énorme poussa des acclamations enthousiastes et dans toute cette
pompe, dans tout cet apparat théâtral, Foscari marchait d’un pas
pesant, la tête haute, les yeux durs, la main prête à tirer
l’épée.
    L’un des deux huissiers qui portaient son manteau jetait des
regards inquiets tantôt sur la foule, tantôt sur Foscari, tantôt
sur Altieri.
    Cet huissier, c’était Guido Gennaro, le chef de police.
    La moitié du trajet du palais ducal au Lido s’accomplit sans
incident.
    La foule criait.
    Altieri échangeait des coups d’œil expressifs avec ses
principaux lieutenants.
    Foscari rayonnait.
    Le peuple était pour lui. Il ne pouvait plus en douter.
    Soudain, la tête du cortège fut arrêtée.
    Foscari, à ce moment, se trouvait sur l’un des innombrables
ponts qui coupent les canaux.
    Le pont était à deux pentes.
    Le doge se trouvait au sommet du pont au moment où le cortège
s’arrêta.
    C’est-à-dire qu’on le voyait de loin.
    Et lui voyait aussi au loin.
    Devant lui, en travers, c’était un quai noir de monde. De
l’autre côté du quai, c’étaient deux rues étroites faisant leur
jonction devant le port et formant ainsi une étroite place où
s’était entassée une foule, tandis qu’à toutes les fenêtres
pavoisées de pièces d’étoffe de toutes couleurs apparaissaient des
spectateurs.
    « Pourquoi s’arrête-t-on ? » murmura Foscari.
    Soudain, un grand silence se fit sur la petite place, dans la
foule, et sur le pont, parmi le cortège, aux costumes magnifiques,
immobilisé.
    Toutes les têtes, dans la foule, se découvrirent.
    Foscari pâlit. Et Altieri devint livide.
    Ce qui arrêtait l’étincelant cortège du doge, c’était un autre
cortège qui le coupait, en vertu des droits imprescriptibles
accordés à la mort.
    C’était un convoi funèbre. Douze valets en deuil portaient à
bras un lourd cercueil sur lequel étaient jetés les insignes de
grand inquisiteur.
    Immédiatement derrière le cercueil venait une femme toute seule.
Elle était vêtue de noir.
    Et un immense voile noir l’enveloppait tout entière de la tête
aux pieds.
    « Léonore ! » murmura sourdement Altieri.
    Elle passa sans peut-être voir l’étincelant spectacle qui
l’entourait.
    Les prêtres et les confréries, cierge en main, défilèrent…
    Les voix tristes psalmodiant les chants funéraires
s’éloignèrent…
    Et le cortège du doge se remit en route…
    À ce moment, les yeux de Foscari et d’Altieri se
rencontrèrent.
    Les deux hommes se virent également pâles, chacun d’eux
paraissant se dire :
    « Qui de nous deux a subi le
mauvais œil
de cette
rencontre !… À qui de nous deux le cortège funèbre a-t-il
lancé la
jettatura !… »
    *
    * *
    Aujourd’hui encore, la jettatura est une chose redoutable. Si
dans Venise, dans Milan, dans Rome ou dans Florence, il vous
arrive, à la tombée du jour, de croiser quelque vieille femme au
visage livide, dont la tête s’encapuchonne de noir,
fuyez :
    C’est peut-être une jettatura.
    Si, dans la campagne, au détour d’un chemin solitaire, tout
brûlé de soleil, vous apparaît un vieux berger immobile, vous
regardant de loin de son œil louche, fuyez :
    C’est peut-être une jettatura.
    Ces rencontres sont surtout mortelles sous le coup de midi,
alors que dans la campagne alourdie pèse le silence du mystère, ou
sous le coup de minuit, alors que seuls les stryges, les vampires,
tous les êtres maléficieux sont dehors, guettant des proies…
    Et lorsque vous avez fait l’une de ces rencontres, malheur à
vous !
    Peut-être allez-vous vous casser la jambe contre un tas de
cailloux inoffensif en apparence, peut-être allez-vous apprendre
que votre femme se meurt ; ou bien, en rentrant chez vous,
saurez-vous que votre banquier est en fuite ; ou bien quelque
fièvre violente se déclarera…
    En tout cas, n’hésitez pas, et faites les exorcismes
nécessaires.
    Puissantes encore, ces superstitions étaient alors dans toute
leur vigueur.
    Le cercueil de Dandolo croisant le cortège du

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