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Les amours du Chico

Les amours du Chico

Titel: Les amours du Chico Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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la
haute estime que je professe pour votre force et votre
vaillance.
    – L’honneur n’est pas mince, j’en conviens, fit Pardaillan,
avec son plus gracieux sourire. Il a du moins cet avantage de me
rassurer pleinement sur l’avenir de mon pays. Jamais votre maître
ne régnera chez nous. Il lui faut renoncer à ce rêve.
    – Pourquoi cela, monsieur ? demanda malgré lui
d’Espinosa.
    – Mais, sourit Pardaillan, avec son air ingénu, s’il faut
mille Espagnols pour arrêter un Français, convenez que je peux être
bien tranquille. Jamais S. M. Philippe d’Espagne n’aura assez
de troupes pour s’emparer de la plus mince portion de la plus
petite de nos provinces !
    – Il vous plaît d’oublier, monsieur, que tous les Français
ne valent pas M. de Pardaillan. Je doute fort même qu’on
en puisse trouver un seul de votre valeur, dit sérieusement
d’Espinosa.
    – Paroles précieuses, venant d’un homme tel que vous,
répondit Pardaillan, en s’inclinant. Mais, prenez garde, monsieur,
avec de telles paroles, vous allez m’inciter à pécher par
orgueil !
    – S’il en est ainsi, je suis prêtre, vous le savez, et ne
vous refuserai pas l’absolution. Mais je suis venu ici m’assurer si
vous ne manquez de rien et si, durant cette longue semaine de
détention, on a bien eu pour vous tous les égards auxquels vous
avez droit. J’espère que mes ordres ont été obéis. En tout cas, si
vous avez quelque plainte à formuler, n’hésitez pas. Je ferai tout
ce qui sera en mon pouvoir pour vous rendre ce séjour aussi
agréable que possible.
    – Mille grâces, monsieur. Je suis on ne peut mieux traité.
C’est à tel point que, lorsqu’il me faudra quitter ces lieux – car
il faudra bien que je m’en aille – j’éprouverai un véritable
déchirement. Mais, puisque vous êtes si bien disposé à mon égard,
tirez-moi, je vous prie, de l’incertitude où je suis plongé par
suite de vos paroles.
    – Parlez, monsieur de Pardaillan.
    – Eh bien, vous venez de dire que j’ai passé une longue
semaine de détention en ce lieu qui serait un véritable paradis… si
j’y avais plus d’air et d’espace. Vous l’avez bien dit, n’est-ce
pas ?
    – Sans doute.
    – Quel jour sommes-nous donc ?
    – Samedi, monsieur, ne le savez-vous pas ? fit
d’Espinosa avec surprise. Vous êtes entré ici lundi. Je n’exagère
donc pas trop en disant, que vous y êtes depuis une semaine.
    – Pardonnez-moi d’insister, monsieur. Vous êtes bien sûr
que c’est aujourd’hui samedi ?
    D’Espinosa le considéra une seconde avec une surprise
grandissante et une inquiétude qu’il ne cherchait pas à dissimuler.
Pour toute réponse, il porta à ses lèvres un petit sifflet d’argent
et fit entendre une modulation stridente. À cet appel, deux moines
parurent aussitôt – preuve qu’ils se tenaient derrière la porte,
remarqua Pardaillan – s’inclinèrent, profondément et, sans faire un
pas, attendirent qu’on les interrogeât.
    – Quel jour sommes nous ? demanda d’Espinosa.
    – Samedi, monseigneur, répondirent les moines d’une même
voix.
    D’Espinosa fit un geste impérieux. Les deux moines
recommencèrent leur profonde révérence et sortirent sans ajouter un
mot de plus.
    – Vous voyez, dit alors d’Espinosa en se tournant vers
Pardaillan qui songeait :
    – Ainsi donc j’aurais dormi sans m’en douter deux jours et
deux nuits. Bizarre ! Quelle drogue maléficieuse ce prêtre
cafard m’a-t-il fait absorber ? Où veut-il en venir et quel
sort me réserve-t-il ?
    Voyant qu’il se taisait, d’Espinosa reprit avec une sollicitude
que trahissait l’attention soutenue avec laquelle il le
dévisageait :
    – Se peut-il que vous ayez été impressionné à ce point que
vous avez perdu la notion du temps ? Depuis combien de temps
pensiez-vous être ici ?
    – Depuis trois jours seulement, dit Pardaillan en le
fouillant de son clair regard.
    – Seriez-vous malade ? dit d’Espinosa qui paraissait
très sincère. Et remarquant alors le déjeuner encore
intact :
    – Dieu me pardonne ! vous n’avez pas touché à votre
repas. Ce menu ne vous convient-il pas ? Les vins ne sont-ils
pas de votre goût ? Commandez ce qui vous plaira le mieux. Les
révérends pères qui vous gardent ont l’ordre formel de contenter
tous vos désirs, quels qu’ils soient… Hormis de vous ouvrir la
porte et de vous laisser aller, bien entendu. Il n’est jamais

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