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Les amours du Chico

Les amours du Chico

Titel: Les amours du Chico Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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visage
froid et intrépide, vers la cage de fer.
    Les moines firent une trouée dans le feuillage et Pardaillan put
voir. Il y avait là une vingtaine de malheureux à peine couverts de
loques ignobles, maigres comme des squelettes, pâles, avec des
barbes et des chevelures embroussaillées. Les uns se tenaient
accroupis à terre, en plein soleil. D’autres tournaient et
retournaient comme des fauves en cage. Les uns riaient, d’autres
pleuraient. Presque tous s’isolaient.
    Dès qu’ils virent les visiteurs, tous, sans exception, se
ruèrent sur les barreaux. Non point menaçants, comme le duc, mais
suppliants, les mains jointes, et de leurs pauvres lèvres crispées
tombaient ces mots terribles que Pardaillan avait entendus :
« Faim ! Manger ! » Un des moines prit dans un
coin un panier préparé d’avance, et en vida le contenu à travers
les barreaux.
    Et Pardaillan, le cœur soulevé de dégoût et d’horreur, vit que
ce que l’exécrable moine venait de vider ainsi était tout
simplement un panier d’ordures. Et le plus horrible, c’est que les
malheureux fous, qu’on laissait lentement mourir de faim, se
jetèrent à corps perdu sur ces immondes ordures, se les disputèrent
en grondant et que chacun, dès qu’il avait pu happer un morceau de
n’importe quoi, s’enfuyait avec sa proie, de peur qu’on ne vînt la
lui arracher.
    – Horrible ! répéta encore une fois Pardaillan qui eût
voulu s’enfuir et ne pouvait détacher ses yeux de cet écœurant
spectacle.
    – Tous les hommes que vous voyez ici étaient jeunes, beaux,
riches, braves et intelligents. Tous ils étaient de la plus haute
noblesse. Voyez ce qu’en ont fait le breuvage inventé par un de nos
pères et le régime auquel on les a soumis. Que dites-vous de ce
supplice-là, chevalier ? Ne pensez-vous pas, ainsi que je vous
le disais tout à l’heure, qu’il est peut-être plus terrible encore
que tout ce que vous avez vu dans la galerie ?
    – Je pense, dit Pardaillan d’une voix sans accent, je pense
que ce sont là des inventions en tout point dignes d’inquisiteurs
qui s’en vont prêchant au nom d’un Dieu de miséricorde et de
bonté.
    Et fixant d’Espinosa, avec cet air d’ironie et d’insouciance qui
masquait sa physionomie, il ajouta sur un ton détaché, qui
émerveilla le grand inquisiteur :
    – Mais, me direz-vous, monsieur, si toutefois je ne suis
pas curieux, à quoi riment ces écœurantes exhibitions ?
    Quelque chose comme un pâle sourire vint effleurer les lèvres
d’Espinosa.
    – J’ai voulu, fit-il doucement, que vous fussiez bien
pénétré de cette pensée qu’irrémissiblement condamné tout ce que
vous venez de voir n’est rien auprès de ce qui vous attend. J’ai
fait pour vous ce que je n’aurais fait pour nul autre. C’est une
marque d’estime que je devais à votre caractère intrépide, que
j’admire plus que quiconque, croyez-le bien.
    Pardaillan eut une légère inclination de la tête qui pouvait
passer pour un remerciement. Et, très calme en apparence, il dit
simplement :
    – Fort bien, monsieur. Je me tiens pour dûment averti. Et
maintenant, faites-moi reconduire dans mon cachot… ou ailleurs… À
moins que vous n’en ayez pas fini avec les spectacles du genre de
ceux que vous venez de me montrer.
    – C’est tout… pour le moment, fit d’Espinosa
impassible.
    Et se tournant vers les moines :
    – Puisqu’il le désire, reconduisez M. le chevalier de
Pardaillan à sa chambre. Et n’oubliez pas que j’entends qu’il soit
traité avec tous les égards qui lui sont dus.
    Et revenant à Pardaillan, il ajouta avec un air de grande
sollicitude :
    – Allez donc, monsieur de Pardaillan, et surtout mangez.
Mangez et buvez… Ne faites pas comme ce matin, où vous n’avez rien
pris. La diète est mauvaise dans votre situation. Si ce qu’on vous
sert n’est pas de votre goût, commandez vous-même ce que vous
désirez. Rien ne vous sera refusé. Mais, pour Dieu,
mangez !
    – Monsieur, dit poliment Pardaillan, sans rien montrer de
l’étonnement que lui causait cette affectueuse insistance, je ferai
de mon mieux. Mais j’ai un estomac fort capricieux. C’est lui qui
commande, et je suis bien obligé de lui obéir.
    – Espérons, dit gravement d’Espinosa, que votre estomac se
montrera mieux disposé que ce matin.
    – Je n’ose trop y compter, dit Pardaillan en s’éloignant au
milieu de son escorte de moines geôliers.
    Lorsqu’il se

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