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Les amours du Chico

Les amours du Chico

Titel: Les amours du Chico Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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retrouva quelques instants plus tard dans sa
chambre. Pardaillan se mit à marcher de long en large avec
agitation.
    – Pouah ! songeait-il, la venimeuse bête que ce
prêtre ! Comment ai-je pu résister à la tentation de
l’étrangler de mes mains ?
    Et avec un sourire qui eût donné le frisson au grand inquisiteur
s’il l’avait vu :
    – Bah ! il l’a bien dit : il était gardé de près.
Je n’aurais pas eu le temps de l’atteindre. Et j’y aurais gagné de
me voir enchaîner. Mes mains restent libres. Qui sait si une
occasion ne se présentera pas ? Alors…
    Et son sourire se fit plus aigu.
    Las de s’agiter, il se jeta dans le fauteuil et se mit à
réfléchir profondément, repassant dans son esprit les scènes qui
venaient de se dérouler, jusque dans leurs plus petits détails,
évoquant les moindres gestes, les coups d’œil les plus furtifs, se
rappelant les paroles les plus insignifiantes en apparence, et
s’efforçant de tirer la vérité de ses observations et de ses
déductions.
    Deux moines lui apportèrent son dîner. Avec des yeux luisants de
convoitise, ils étalèrent amoureusement les provisions sur la
table, alignèrent respectueusement les flacons aux formes diverses,
et, au lieu de se retirer, comme ils faisaient d’habitude, ils
restèrent en contemplation devant la table, semblant attendre que
le chevalier fît honneur à ce repas soigné. Voyant qu’il ne se
décidait pas, un des deux moines demanda :
    – Monsieur le chevalier ne veut donc pas manger ?
    Surmontant la répulsion que lui inspiraient ses deux gardiens,
Pardaillan répondit doucement :
    – Tout à l’heure, peut-être… Pour le moment, je n’ai pas
faim.
    Les deux moines échangèrent un furtif coup d’œil que Pardaillan
surprit au passage.
    – Monsieur le chevalier désire-t-il qu’on lui fasse autre
chose ? insista le moine.
    – Non, mon révérend, je ne désire rien qu’une chose…
    – Laquelle ? fit le moine avec empressement.
    – Que vous me laissiez seul, dit froidement Pardaillan.
    Les deux moines échangèrent encore le même coup d’œil furtif que
Pardaillan surprit encore, puis ils contemplèrent une dernière fois
les mets appétissants dont la table était chargée, levèrent les
yeux au ciel comme pour le prendre à témoin de la folie de ce
prisonnier qui faisait fi de si succulentes choses, passèrent leur
langue sur leurs lèvres en caressant du regard les bouteilles
rangées en bon ordre, et sortirent enfin en étouffant un gros
soupir.
    Dès qu’ils furent dehors, Pardaillan s’assura d’un coup d’œil
que le judas de la porte était bien fermé. Il s’approcha alors de
la table et contempla les plats nombreux et variés qui la
garnissaient. Il en prit quelques-uns au hasard et se mit à les
sentir avec une attention soutenue.
    – Je ne sens rien d’anormal, se dit-il en posant les plats
à leur place. En revanche, mordieu ! je sens que j’étrangle de
faim et de soif !…
    Il prit un flacon.
    – Hermétiquement bouché ! dit-il. Mais qu’est-ce que
cela prouve !
    Il le déboucha et le flaira comme il avait flairé les mets.
    – Rien ! je ne sens rien !
    Et lentement, à regret, il reposa le flacon sur la table.
    – Ne rien boire, ne rien manger, durant trois jours, a dit
le billet du Chico. Poison foudroyant… Mordiable ! je puis
bien patienter.
    Mais les provisions abondantes et délicates le tentaient.
C’était le supplice de Tantale. Il tourna le dos à la table pour
s’arracher à la tentation et s’en fut vers le coffre où il avait
enfermé le reste de ses provisions de la veille. Il fit une piteuse
grimace et grommela :
    – C’est maigre !
    Résolument, il prit une tranche de pâté et la porta à sa bouche.
Mais il n’acheva pas le geste.
    – Qui me dit, songea-t-il, qu’on n’a pas pénétré ici
pendant la promenade que m’a fait faire cet inquisiteur que la
foudre écrase !… Qui me dit que ces mets, inoffensifs hier
soir, ne sont pas mortels maintenant ?
    Il replaça la tranche où il l’avait prise et referma le coffre.
Il traîna le fauteuil devant la fenêtre et s’assit, le dos tourné à
la table tentatrice. En même temps, pour se donner la force de
résister, il murmura :
    – Je n’ai plus guère que deux jours et demi à patienter.
Que diable ! deux jours sont bientôt passés ! L’essentiel
est de ne pas s’énerver et de garder des forces suffisantes pour
faire face aux

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