Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Les amours du Chico

Les amours du Chico

Titel: Les amours du Chico Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
Vom Netzwerk:
forces, elle s’arrêta, plus pâle peut-être que le blessé
que Pardaillan tenait dans ses bras, et elle râla :
    – Il est mort, n’est-ce pas ?
    Comme s’il avait la tête égarée par la douleur, Pardaillan
répondit d’une voix sourde :
    – Pas encore !
    Et il continua son chemin, comme inconscient du coup terrible
qu’il venait de porter, se dirigeant vivement vers la
charrette.
    La petite Juana n’eut pas un cri, pas une plainte, pas une
larme. Seulement, de pâle qu’elle était, elle devint livide, et
lorsque Pardaillan passa près d’elle, il courba la tête d’un air
honteux sous le regard de douloureux reproche qu’elle lui
décocha.
    Et elle se mit à le suivre du pas raide, saccadé d’un
automate.
    Près de la charrette, Pardaillan déposa la Giralda dans les bras
de la duègne en disant d’un air bourru :
    – Occupez-vous de celle-ci.
    Et, se baissant, il étendit doucement le blessé sur l’herbe
roussie qui bordait la route.
    En voyant son compagnon d’enfance, son petit jouet vivant,
livide, couvert de sang, ses paupières mi-closes laissant
apercevoir le blanc de l’œil révulsé la petite Juana sentit un
affreux déchirement dans tout son être et s’abattit sur les
genoux.
    Elle prit doucement dans ses bras la tête si pâle de son ami, et
sans rien voir autour d’elle, non plus que Pardaillan, qui
paraissait horriblement gêné par le spectacle de ce désespoir
morne, elle se mit à le bercer doucement, dans un geste maternel,
tandis qu’elle balbutiait, avec une tendresse infinie :
    – Chico !… Chico !… Chico !…
    Et sous cette caresse tendrement berceuse, l’amour qui
emplissait le cœur fidèle du petit homme, l’amour puissant, naïf et
sincère montra une fois de plus quel était son pouvoir : le
blessé reprit ses sens.
    Tout de suite, il vit dans quels bras adorés il était blotti,
tout de suite, il reconnut son grand ami qui se penchait aussi sur
lui, et il leur sourit, les enveloppant dans le même sourire.
    Il n’avait pas du tout conscience de son état. Il était bien… si
bien, là, dans ces bras. Il ne se rendait pas compte de son état,
mais le morne désespoir de celle qu’il aimait, mais surtout l’air
contraint et si triste de celui qu’il considérait comme un dieu,
lui firent comprendre que cet état était grave.
    Et il voulut savoir et d’un regard d’une éloquence muette, il
interrogea son grand ami, qui détourna les yeux d’un air
embarrassé.
    – Je voudrais savoir, pourtant… insista le blessé.
    – Hélas !… murmura Pardaillan.
    Et il comprit. Il eut une contraction douloureuse de ses traits
fins.
    Mais ce ne fut qu’un nuage fugitif qui passa aussitôt. Il reprit
vite possession de lui et retrouva avec sa sérénité son bon sourire
de chien dévoué, à l’adresse des deux seuls êtres qu’il eût aimés
au monde, et il murmura :
    – Oui, il vaut mieux qu’il en soit ainsi.
    Juana aussi avait compris, et alors, seulement, les larmes
jaillirent à flots pressés de ses yeux endoloris. Très doucement,
il demanda :
    – Pourquoi pleures-tu, Juana ?
    – Ô Luis !… Luis !… peux-tu bien me demander
cela ?
    Il la considéra un moment avec une adoration éperdue,
et :
    – Il ne faut pas pleurer, insista doucement le blessé.
Vois-tu, il vaut mieux que je m’en aille… J’aurais été une gêne
pour toi… et moi… j’aurais été très malheureux !
    – Luis !… Luis !…
    – Car, vois-tu, je puis bien te le dire maintenant… puisque
je vais mourir…
    Et comme s’il eût voulu être bien sûr avant de dire ce qu’il
avait à dire, il insista en fixant Pardaillan :
    – Car je vais mourir, n’est-ce pas ?
    Et il faut croire que le pauvre Pardaillan, dans son désespoir,
n’avait plus toute sa présence d’esprit, car, au lieu de le
réconforter par des paroles d’espoir, comme le lui commandait
l’humanité la plus élémentaire, il cacha sa tête dans ses mains,
pour dissimuler ses larmes, sans doute, et en même temps de la
tête, il disait frénétiquement : « Oui !
Oui ! »
    Sans remarquer cette insistance féroce, le nain continua
toujours avec la même douceur :
    – Puisque je vais mourir… je puis bien te le dire, Juana…
je t’aimais… je t’aimais bien.
    – Hélas ! moi aussi, gémit la jeune fille.
    – Mais-moi, fit le blessé avec un triste sourire, moi,
Juana, je ne t’aimais pas comme une sœur… j’aurais… voulu faire de
toi…

Weitere Kostenlose Bücher