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Les amours du Chico

Les amours du Chico

Titel: Les amours du Chico Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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cette présence pesait lourdement et les privait du meilleur
de leur plaisir : celui de le crier à tout venant.
    Il ne s’agissait pas, en effet, de commettre un impair qui
pouvait avoir les conséquences les plus fâcheuses. Les espions de
l’Inquisition pullulaient parmi cette masse énorme de gens
endimanchés. On le savait. Un éclat de rire, une réflexion, une
approbation ou une désapprobation tombant dans l’oreille d’un de
ces espions, considéré par lui comme attentatoire : il n’en
fallait pas davantage pour attirer sur son auteur les pires
calamités.
    Le moins qui pouvait lui arriver était d’aller méditer durant
quelques mois dans les
casas santas
ou prisons de
l’Inquisition, lesquelles regorgeaient toujours de monde. Aussi le
peuple avait-il adopté d’instinct la tactique qui lui paraissait la
plus simple et la meilleure : il attendait que les courtisans,
généralement bien renseignés, lui indiquassent ce qu’il avait à
faire sans crainte de froisser la susceptibilité royale. Selon que
les courtisans applaudissaient ou restaient froids, selon qu’ils
approuvaient ou huaient, le peuple faisait chorus, en exagérant,
bien entendu.
    Les courtisans savaient que le Torero était condamné. Lorsque sa
silhouette élégante se détacha, seule, au milieu de l’arène, au
lieu de l’accueillir par des paroles encourageantes, au lieu de
l’exciter à bien combattre, comme on le faisait habituellement pour
les autres champions, un silence mortel s’établit soudain.
    Le peuple, lui, ignorait que le Torero fût condamné ou non. Ceux
qui savaient étaient des hommes à Fausta ou au duc de Castrana, et
ceux-là étaient bien résolus à le soutenir. Or, pour ceux qui
savaient, comme pour ceux qui ne savaient pas, le Torero était une
idole. C’était lui surtout que depuis de longues heures ils
attendaient avec une impatience sans cesse grandissante.
    Le silence glacial qui pesa sur les rangs de la noblesse
déconcerta tout d’abord les rangs serrés du populaire. Puis l’amour
du Torero fut le plus fort ; puis l’indignation de le voir si
mal accueilli, enfin le désir impérieux de le venger séance tenante
de ce que plus d’un considérait comme un outrage dont il prenait sa
part.
    Le Torero, immobile au milieu de la piste, perçut cette sourde
hostilité d’une part, cette sorte d’irritation d’autre part. Il eut
un sourire dédaigneux, mais, quoi qu’il en eût, cet accueil, auquel
il n’était pas accoutumé, lui fut très pénible.
    Comme s’il eût deviné ce qui se passait en lui, le peuple se
ressaisit et bientôt une rumeur sourde s’éleva, timidement d’abord,
puis se propagea, gagna de proche en proche, s’enfla, et finalement
éclata en un tonnerre d’acclamations délirantes. Ce fut la réponse
populaire au silence dédaigneux des courtisans.
    Réconforté par cette manifestation de sympathie, le Torero
tourna le dos aux gradins et à la loge royale et salua, d’un geste
gracieux de son épée, ceux qui lui procuraient cette minute de joie
sans mélange. Après quoi, il fit face au balcon royal et d’un geste
large, un peu théâtral, d’un geste à la Pardaillan – qui amena un
sourire d’approbation sur les lèvres de celui-ci – il salua le roi
qui, rigide observateur des règles de la plus méticuleuse des
étiquettes, se vit dans la nécessité de rendre le salut à celui
qui, peut-être, allait mourir. Ce qu’il fit avec d’autant plus de
froideur qu’il avait été plus sensible à l’affront du Torero
saluant la vile populace avant de le saluer, lui, le roi.
    Ce geste du Torero, froidement prémédité, qui dénotait chez lui
une audace rare, ne fut pas compris que du roi et de ses
courtisans, lesquels firent entendre un murmure réprobateur. Il le
fut aussi de la foule, qui redoubla ses acclamations. Il le fut
surtout de Pardaillan qui, trouvant là l’occasion d’une de ces
bravades dont il avait le secret, s’écria au milieu de l’attention
générale :
    – Bravo, don César !
    Et le Torero répondit à cette approbation précieuse pour lui par
un sourire significatif.
    Ces menus incidents, qui passeraient inaperçus aujourd’hui,
avaient alors une importance considérable. Rien n’est plus fier et
plus ombrageux qu’un gentilhomme espagnol.
    Le roi étant le premier des gentilshommes, narguer ou insulter
le roi, c’était insulter toute la gentilhommerie. C’était un crime
insupportable, dont la répression devait

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