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Les amours du Chico

Les amours du Chico

Titel: Les amours du Chico Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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là.
    C’est ainsi qu’elle avait vu – si nous pouvons ainsi dire – la
téméraire intervention de Pardaillan, et son cœur avait battu à
coups précipités. Mais au souvenir des paroles qu’il lui avait
dites le matin même, elle avait hoché douloureusement la tête comme
pour dire :
    « N’y pensons plus. »
    Lorsque la voix inconnue cria : « Mais c’est El
Chico ! », son petit cœur se remit à battre comme il
avait battu pour Pardaillan. Pourquoi ? elle ne savait pas.
Elle avait voulu voir. Mais elle avait beau avoir de grands talons,
elle avait beau se hausser sur la pointe des pieds, sauter sur
place, elle ne parvenait pas à apercevoir le nain.
    Et cependant elle entendait les acclamations qui s’adressaient
au Chico. Au Chico ! Qui lui eut dit cela quelques minutes
plus tôt l’eût bien surprise. Et les acclamations et les
compliments et l’admiration l’eussent rendue heureuse et fière sans
doute, si les enthousiasmes les plus effrénés n’étaient venus
précisément de belles dames de la plus haute noblesse, auprès de
qui elle, Juana, se jugeait bien peu de chose.
    Alors elle voulut voir le Chico à tout prix. Ce Chico qu’on
trouvait si beau, si brave, si mignon, si crâne dans son superbe et
luxueux costume – du moins, ainsi le dépeignaient tant de nobles
dames – il lui semblait que ce n’était pas son Chico à elle, sa
poupée vivante qu’elle tournait et retournait au gré de son
caprice. Il lui semblait que ce devait être un autre, qu’il y avait
erreur. Et nerveuse, angoissée, colère, sans savoir pourquoi ni
comment, avec des envies folles de rire et de pleurer, elle
cria :
    – Mais prends-moi donc dans tes bras que je puisse
voir !…
    D’une voix tellement changée, sur un ton si violent, que la
vieille Barbara, stupéfaite, oublia pour la première fois de sa vie
de ronchonner, la prit doucement dans ses bras et, avec une rigueur
qu’on ne lui eût pas soupçonnée, augmentée peut-être par
l’inquiétude, car elle sentait confusément que quelque chose
d’anormal et d’extraordinaire se passait dans l’âme de son enfant,
elle la souleva et la maintint au-dessus de la foule, assise sur sa
robuste épaule.
    C’est ainsi que la petite Juana vit le nain Chico dans toute sa
splendeur. Elle le regarda de tous ses yeux, comme si elle ne l’eût
jamais vu, comme si ce ne fût pas là le même Chico avec qui elle
avait été élevée, le même Chico qu’elle s’était plu,
inconsciemment, à faire souffrir, le considérant comme sa chose,
son jouet à l’égard de qui elle pouvait tout se permettre.
    C’était cependant toujours le même. Il n’avait rien de changé,
si ce n’est son costume et un petit air crâne et décidé qu’elle ne
lui connaissait pas. Si le Chico était toujours le même, si rien
n’était changé en lui et que, néanmoins, il lui apparaissait comme
un être inconnu, c’est donc que quelque chose qu’elle ne
soupçonnait pas était changé en elle. Peut-être !…
    Mais la petite Juana ne se rendait pas compte de cela, et comme
à ce moment le mot poupée fleurissait sur les lèvres pourpres de
tant de jolies dames, sans savoir ce qu’elle disait, avec un regard
de colère et de défi à l’adresse des nobles effrontées, elle cria
rageusement :
    – C’est à moi, cette poupée ! à moi seule !
    Et comme elle avait l’habitude de trépigner dans ses moments de
grandes colères, ses petits pieds, si coquettement chaussés,
ballant dans le vide, se mirent à tambouriner frénétiquement le
ventre de la pauvre Barbara, qui, ne sachant ce qui lui arrivait,
sans lâcher prise toutefois, se mit à beugler :
    – Ho ! ha ! hé là ! notre maîtresse !
pour Dieu, qu’avez-vous ? Que vous arrive-t-il ?
Calmez-vous, enfant de mon cœur, ou vous allez crever le ventre de
votre vieille nourrice !
    Mais l’enfant de son cœur n’entendait pas. Comme elle avait crié
brutalement : « Prends-moi dans tes bras ! »,
elle cria de même, en la bourrant de coups de talon
furieux :
    – Mais descends-moi donc ! Je ne veux pas les voir ces
éhontées ! Elles me rendraient folle !
    Et la vieille, éberluée, ahurie, médusée, ne put qu’obéir
machinalement, sans trouver un mot, tant son saisissement était
grand, et elle considéra un moment avec une inquiétude affreuse son
enfant qui, en effet, paraissait ne plus avoir toute sa raison.
    Pour achever de lui faire perdre le peu de conscience qui

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