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Les autels de la peur

Les autels de la peur

Titel: Les autels de la peur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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hommes à piques s’emparer de Weber, mais, ne s’estimant pas en force pour arrêter un grenadier du belliqueux bataillon, ces six braves demandèrent, à la section de la Croix-Rouge, le renfort de six camarades. Ils arrivèrent tous les douze chez M. de Mory au moment où l’on se mettait à table, firent irruption dans la salle à manger, et Weber se trouva empoigné sous la menace des piques, avant de pouvoir songer à fuir ou résister.
    Ses vainqueurs le menèrent d’abord au bureau de la section Croix-Rouge. Là on inséra au protocole du jour le procès-verbal de l’aide fournie aux Filles-Saint-Thomas pour arrêter ce suspect, à charge de revanche. Ses conducteurs requirent alors un fiacre, deux d’entre eux y montèrent avec lui tandis que les quatre autres escortaient la voiture jusqu’au corps de garde du bataillon, rue Favart, où ordre fut donné de le remettre au comité de la section. On partit à pied cette fois. Weber portait sur lui un rouleau de quarante doubles louis au sujet desquels il s’inquiétait fort. En passant rue Richelieu devant une boutique de lingerie dont il était depuis longtemps client attitré, il eut une idée pour mettre ces pièces à l’abri. Il demanda aux hommes à piques de le laisser entrer là, un instant. Avec une surprenante candeur, ils y consentirent sans songer qu’il pût s’enfuir par l’arrière-boutique. Si, au lieu de Weber, Autrichien un peu lourdaud, ils avaient eu affaire à un Charles d’Autichamp, ils n’auraient jamais revu leur prisonnier. Il se contenta de prendre vivement à part la marchande et de lui murmurer : « Je viens d’être arrêté, on me conduit en prison, j’y serai vraisemblablement dévalisé. Voulez-vous bien me tenir en dépôt ces louis et me donner cent livres en assignats ? » En même temps, il lui glissait le rouleau sous le couvert du linge étalé sur le comptoir. Il y avait dans le magasin deux jeunes commises et le beau-frère de la marchande. « Monsieur, répondit-elle, entre haut et bas, je ne peux pas vous donner des assignats, mon mari est à la campagne, il a emporté par distraction la clef de l’armoire. » Sans s’arrêter à cette réponse, Weber dit que, tant pis, il se passerait d’assignats. Il avait encore quinze doubles louis dans sa bourse. Certain d’avoir sauvé son rouleau, il se hâta de rejoindre ses gardes, et avec eux atteignit le couvent des Filles-Saint-Thomas de la rue Vivienne.
    Collot d’Herbois présidait le bureau de la section installé dans la chapelle. Les cheveux longs et plats, la figure longue et plate, l’auteur-acteur écouta le chef de patrouille faire brièvement son rapport. Des hommes mal vêtus qui connaissaient le suspect et qu’il considérait, lui, comme des Jacobins furieux et bornés, parlèrent à voix basse au président. Weber se douta bien qu’ils l’excitaient contre lui. Collot leur répondait par des hochements de tête appréciateurs. Enfin, papiers en main, il commença l’interrogatoire d’identité. À ce moment, le beau-frère de la lingère entra et réclama la parole. « Je suis trop bon patriote, dit-il, pour ne pas dénoncer une tentative du citoyen Weber. » Il raconta tout au long comment celui-ci avait quitté son escorte, ce qui s’était passé dans la boutique, puis conclut : « Ma famille ne voulant avoir rien de commun avec un homme en état d’arrestation, je m’empresse de remettre cet or sur le bureau du citoyen président. » La déclaration souleva des exclamations coléreuses.
    « Pouvez-vous, monsieur, nous dire d’où provient une telle somme et à quoi vous comptiez l’employer ? demanda sévèrement Collot.
    — C’est de l’argent que j’avais. Je voulais le mettre en dépôt afin de le retrouver plus tard. »
    Cet or ne pouvait provenir que de la liste civile, et, aux yeux des sans-culottes, il devait nécessairement servir à payer des complicités. Il y eut des huées contre l’aristocrate. Le président les interrompit et décida que le rouleau serait consigné à la trésorerie de la section. Sans pousser plus loin sur cette question, il reprit l’interrogatoire. Weber dit qu’il était né en août 1755, à Vienne, qu’il avait suivi sa sœur de lait en France, qu’il remplissait auprès d’elle les fonctions de valet de chambre.
    « Étiez-vous de ceux qui tirèrent le sabre contre les Marseillais sur la place LouisXV, le jour du banquet des fédérés ?
    — Oui, mais

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