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Les autels de la peur

Les autels de la peur

Titel: Les autels de la peur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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d’une foule de curieux, gagna la Tournelle. Certains des nouveaux magistrats n’avaient pas pu se procurer encore leur costume, mais la plupart portaient, comme Claude et ses collègues des divers tribunaux, qui assistaient à cette installation, l’habit noir avec le sautoir aux couleurs nationales, le manteau court, le chapeau Henri IV à plumet noir. Dans le public, beaucoup de carmagnoles, de bonnets rouges, même sur des têtes féminines. On voyait des citoyens en corps de chemise. Spectacle singulier, dans cette chambre de la Tournelle où seuls jusqu’à présent étaient entrés les présidents à mortier et Messieurs de la Grand-Chambre. Les beaux lambris de chêne, l’admirable plafond bleu et or, le dallage de marbre subsistaient toujours, mais les riches tapisseries qu’ils encadraient autrefois avaient cédé la place à une tenture de papier gros bleu. Pétion fit un discours. C’était le genre de tâche qu’on lui laissait. Le président Desgrouette, ci-devant avocat, et très populaire parmi les forts de la Halle, répondit. Alors, conformément à l’arrêté pris par la Commune, les élus se présentèrent tour à tour à la sentence du public. « Peuple, disaient-ils, je suis un tel, de telle section, demeurant à tel endroit, exerçant telle profession. Quelqu’un a-t-il un grief à exposer contre ma personne ? Jugez-moi avant que je juge les autres. » Le public, ravi par cette confrontation renouvelée de l’antiquité, les confirma tous. Après quoi, ils prêtèrent serment.

XVI
    La recherche des royalistes cachés dans Paris continuait activement. Le jour même où l’on installait le tribunal extraordinaire, Weber, le frère de lait de Marie-Antoinette, fut arrêté.
    Après avoir passé la nuit du 10 au 11 août chez le secrétaire du département de la Guerre, ne voulant pas le compromettre davantage, il était allé, dès le matin, chercher refuge à l’ambassade d’Angleterre. L’ambassadrice, milady Gower, lui dit qu’il ne serait pas en sécurité céans. Elle était elle-même espionnée chez elle par deux ou trois espèces de Jacobins dont elle ne pouvait se défaire, lui confia-t-elle, et elle l’adressa à un Allemand, M. Dhill. Tout dévoué à la cause royaliste, il abritait déjà plusieurs fugitifs dans son hôtel, rue du Temple. Pour s’y rendre, Weber, traversant le quartier de la Croix-Rouge, se trouva passer devant une maison amie : celle de M. de Mory, caissier de la Compagnie des Indes. Il entra et, en causant avec lui, lui dit où il allait. « Vous n’y pensez pas ! se récria M. de Mory. C’est le dernier endroit où vous retirer. Leurs Majestés vont être détenues au Temple, toutes les demeures du voisinage, surtout celle d’un Allemand, seront étroitement surveillées sinon fouillées. Pourquoi chercher asile ailleurs qu’ici ? » Weber se défendit d’accepter, puis finit par céder aux instances de ce généreux ami.
    Pendant cinq jours, il vécut assez tranquille en famille avec son hôte, sans se montrer. Les gazettes, les nouvelles rapportées par M. de Mory ou apportées par les habitués de la maison le renseignaient sur les événements. Il apprit ainsi que tous les grenadiers de son bataillon réchappés des Tuileries, le 10, étaient arrêtés ou en fuite. Quant à lui, comme l’en avaient avisé dans la rue Saint-Honoré, au sortir du Manège, les deux inconnus, on le recherchait. Il avait fait savoir le lieu de sa retraite à son domestique demeuré rue Sainte-Anne, lequel, à toute question, répondait que le citoyen Weber était parti pour la campagne sans dire plus précisément où il se rendait. Depuis l’installation de la famille royale au Temple, ce domestique, garçon fidèle et sûr, allait tous les jours rôder, parmi bien d’autres curieux, aux abords de la tour, et, bavardant avec les uns ou les autres, avec le concierge, les sentinelles, il glanait des renseignements qu’il rapportait à son maître chaque soir, en prenant soin de faire de longs détours pour dérouter les espions attachés à ses pas. Il avait réussi durant presque une semaine à les tenir en échec. C’était néanmoins une imprudence que de rester en rapports avec lui. Assuré qu’il connaissait la retraite du fugitif, le comité de sa section l’appréhenda. Interrogé sans répit, maltraité, menacé de la guillotine, il finit par livrer son secret.
    Sur-le-champ, la section des Filles-Saint-Thomas avait envoyé six

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