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Les autels de la peur

Les autels de la peur

Titel: Les autels de la peur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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ampoulé, qu’il prenait ici, il fit l’éloge du canonnier, de son inspiration patriotique, et le chargea d’aller au poste quérir quatre gendarmes pour conduire le suspect au Comité de surveillance. En attendant, il rendit compte à l’assemblée de la mission qu’il exerçait au Temple : « J’ai vu hier la femme du Roi, dit-il, ce n’est plus cette créature altière que rien ne pouvait fléchir : je l’ai réellement vue pleurer. Je lui ai beaucoup parlé, et à son fils aussi. Je dois dire que le petit m’a fort intéressé. » Pour Weber, ces propos, ce ton étaient affreux. Il regardait avec horreur cette assistance, ces prétendus magistrats : réunion de misérables, déments et féroces.
    Le canonnier étant revenu avec les gendarmes, des patriotes et des femmes du peuple se levèrent pour se joindre à l’escorte en disant à leurs pareils qui voulaient les retenir : « Nous sortons juste un instant, juste pour faire voir du pays au frère de lait de la Reine, qui a voulu chatouiller la tête de M. Manuel et de M. le maire. » Ces poissardes et ces assassins, assurément soldés par la section, s’apprêtaient, Weber n’en doutait pas, à le massacrer sur l’escalier, comme l’avaient été MM. de Launay, Flesselles, Mandat. Il sortit, crispé d’effroi, mais reprit courage à la vue d’un officier – un vrai soldat puisqu’il portait sur son uniforme national la croix de Saint-Louis – commandant le corps de garde installé contre l’escalier. « Monsieur le capitaine ! » s’écria Weber. Il réclama sa protection en lui exprimant à mi-voix ses craintes. « Monsieur, vous ne courez aucun risque, dit l’officier. Vous êtes sous la protection de la loi. Mais entrez donc un instant dans le poste pour vous remettre. » Les assassins, hommes et femmes, ne devaient pas avoir des intentions si meurtrières, car, apercevant sur la place les valets de Sanson occupés à décharger de leur tombereau les bois de justice, ils abandonnèrent le prisonnier pour aller savoir à qui on devait couper le cou, et quand. Il s’agissait seulement d’un fabricant de faux assignats, un nommé Collot. L’exécution aurait lieu ce tantôt.
    Convaincu qu’il venait d’échapper par miracle à un assassinat préparé, Weber, de nouveau en fiacre, roulait, parmi le va-et-vient de Paris, vers le Palais de justice. Le soleil de midi tombait droit, éclairant sur le Pont-au-Change les deux rangées de maisons uniformes à quatre étages avec leurs boutiques. La voiture tourna par le quai de l’Horloge, dépassa la Conciergerie, prit la rue de Harlay. Le Comité de surveillance générale siégeait dans les bâtiments du quai des Orfèvres. Claude s’y trouvait avec Billaud-Varenne, Panis, Sergent et plusieurs autres membres, quand Weber fut amené par les gendarmes. L’un d’eux apportait le dossier du suspect. Claude, stupéfait d’avoir ignoré jusque-là que Marie-Antoinette eût un frère de lait, feuilleta procès-verbaux et dénonciations pendant que le canonnier du faubourg Saint-Antoine répétait sa déposition. Billaud-Varenne, calotté de sa petite perruque rouquine et guindé dans son habit puce, le félicita hautement puis le renvoya tout couvert de fleurs patriotiques. Panis reprit l’interrogatoire sur les points principaux. Il y mettait une manifeste prévention contre l’Autrichien, par définition confident et complice des tyrans. Panis était excellent patriote mais un peu sot. Si ce Weber avait joué un rôle à la Cour, cela se serait su. Son nom, ni avant ni depuis la Révolution, n’était en aucune circonstance parvenu au public. Garde national, il n’avait jamais appartenu à l’état-major, n’était même pas officier. En vérité, on ne relevait rien de solide contre lui. Sergent, après Panis, le questionnait sur l’affaire des fédérés. « Vous dites que vous avez tiré le sabre uniquement pour votre défense personnelle, mais vous étiez en armes sur la place appelée alors LouisXV : votre intention anti-nationale se trahit là.
    — Je n’étais pas sur la place. J’y ai été envoyé avec mon bataillon après que le tumulte s’était produit, et pour y mettre fin. »
    Claude examinait avec une profonde curiosité ce grand gaillard de trente-sept ans, aux yeux bleus, dont les cheveux dépoudrés, les vêtements élégants, froissés, la barbe pas faite montraient bien comment il vivait depuis vingt-quatre heures – ce garçon qui

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