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Les autels de la peur

Les autels de la peur

Titel: Les autels de la peur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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conduire au jardin. Sous le regard des commissaires municipaux on se promenait dans l’allée de marronniers aux branches nues et noires. Les deux enfants : Madame Royale presque adolescente, le dauphin âgé de sept ans, jouaient. Ils n’avaient pas souffert physiquement de la détention. Ils étaient très beaux l’un et l’autre, avec, tous deux, les yeux bleu de mer, les cheveux dorés. À deux heures, on rentrait pour dîner. Le roi faisait ensuite avec la reine une partie de piquet ou de tric-trac. Vers quatre heures, il s’endormait ordinairement dans son fauteuil. À six, il donnait au petit prince une seconde leçon, jusqu’au souper. À neuf heures, la reine déshabillait son fils, qui récitait ses prières, et elle le mettait elle-même au lit. Souvent elle prenait alors un livre pour lire à haute voix. Peu après dix heures, on montait. Le roi accompagnait la reine et les princesses, restait un moment avec sa femme avant de redescendre dans son cabinet où il lisait, méditait ou priait jusqu’aux environs de minuit.
    Malgré toutes les précautions, les prisonniers entretenaient des intelligences avec l’extérieur. Le roi fut averti qu’il allait être traduit devant ses juges. Il s’attendait à quelque chose de ce genre, car on venait de retirer à Cléry les rasoirs, de supprimer ciseaux et couteaux susceptibles de blesser, comme si l’on craignait, de la part d’un homme poussé dans ses derniers retranchements, un geste désespéré.
    Le 11 décembre, il faisait à peine jour lorsque Claude et Lise, à leur toilette, entendirent la générale. Elle battait partout dans Paris. La veille, la Commune avait ordonné que dès le matin tous les corps administratifs seraient en séance, toutes les sections en armes, les postes de garde augmentés partout de deux cents hommes. À cette heure, Santerre mettait ses troupes sur pied et disposait de forts contingents, avec de l’artillerie, aux points stratégiques. C’est que les royalistes, un moment épouvantés par les massacres de septembre, se ralliaient. Il existait chez eux, on ne l’ignorait point, des projets d’enlever le roi.
    Ce que l’on ne savait pas, c’est qu’un complot des mieux ourdis avait succédé à l’entreprise abandonnée par les agents de Danton comme absolument impossible. Elle le devenait beaucoup moins quand son chef, son initiateur, se trouvait être un sans-culotte depuis longtemps éprouvé, un membre de la Commune, et l’un des plus furieux contre la famille royale. Sa haine même l’avait fait désigner comme commissaire au Temple. On n’en pouvait imaginer de plus féroce, de plus sûr. On ne pouvait imaginer non plus que ce jeune assoiffé de sang royal sortirait du Temple dévoué jusqu’à la mort à Marie-Antoinette, à son époux, à ses enfants. Comme bien d’autres avant lui, passant du symbole à la réalité vivante, il lui avait suffi d’approcher ces personnes pour passer en même temps de la haine à la dévotion. Assez maître de lui pour ne rien changer à son attitude, il restait aux yeux des gardiens et de ses collègues le plus farouche ennemi des prisonniers, auxquels il ne ménageait ni les vexations apparentes ni les injures. La reine l’exécrait. Il estimait cela nécessaire, car elle y mettait une sincérité évidente pour tous.
    Quand ces sentiments furent notoires jusque dans le Conseil général, il entama une autre phase de son plan. Il s’ouvrit à un collègue : le municipal Lepitre. Celui-ci, d’abord stupéfait de voir dans de telles dispositions son ami Toulan, n’avait guère tardé à le suivre, car lui aussi s’intéressait à cette famille. Les commissaires étaient toujours deux à chaque étage du Temple, de façon à se surveiller l’un l’autre. De service avec Lepitre, Toulan ordonna brutalement à la reine, devant les sentinelles, d’entrer avec eux dans sa chambre pour assister à une fouille de ses effets. Là, elle eut une des plus fortes surprises de sa vie en voyant les deux hommes tomber à ses pieds, pour lui jurer de la sauver, elle et les siens. L’atroce Toulan ajouta, des larmes dans la voix : « Je vous supplie, Madame, de me pardonner mes façons horribles. Elles me déchiraient mais elles étaient indispensables, il faut les poursuivre. Continuez, je vous en conjure, à me détester. Je sortirai de cette chambre en vous insultant, alors que mon cœur est plein de respect et de dévouement pour vous. » Il lui tendit un billet

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