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Les autels de la peur

Les autels de la peur

Titel: Les autels de la peur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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procès. Si votre fils restait avec vous il faudrait qu’il n’ait aucune communication avec sa mère, elle ne pourrait plus le voir. Le Conseil général vous a jugé plus propre qu’elle, par votre sexe et votre courage, à supporter cette privation. » Louis XVI se résigna. Il embrassa ces êtres chers. Pour eux, avec les espoirs donnés par Toulan et Jarjayes, de toute façon cette séparation n’était que temporaire. Elle ne se fit point toutefois sans déchirements ni sans larmes. Enfin, demeuré seul, Louis XVI se jeta sur une chaise près de son lit, le visage dans ses mains.
    Deux heures s’écoulèrent. À midi, le successeur de Pétion à la mairie : le savant médecin Chambon, et Chaumette, nouveau procureur-syndic de la Commune, arrivèrent accompagnés par Santerre, plusieurs officiers supérieurs de la garde nationale et des municipaux à écharpe. Chambon exposa au prisonnier leur mission, en quelques mots où la sensibilité de l’homme perçait l’impassibilité du magistrat. Puis il fit lire par le secrétaire de la Commune, Colombeau, le décret de la Convention nationale traduisant à sa barre Louis Capet.
    « Ce n’est point là mon nom ! répondit-il avec un mouvement de révolte, c’est celui d’un de mes ancêtres. Messieurs, je m’élève contre la façon dont on me traite. N’aurait-on pas pu me laisser mon fils au moins pendant les deux heures que je viens de passer à vous attendre ! Je vais avec vous non pour obéir à la Convention, mais parce que je suis contraint par la force. »
    Il enfila sur son habit une redingote noisette qu’il mettait pour se promener dans l’enclos, se coiffa de son chapeau à haute forme et suivit Chambon.
    Il pleuvait. Une pluie régulière et très froide. Dans la boue, par l’allée de marronniers, au milieu des gardes qui emplissaient l’enclos, on gagna l’ancien hôtel du Prieuré. Dans la cour majestueuse, si différente du sombre donjon, le roi monta en voiture avec le maire. L’escorte attendait dehors, occupant toutes les rues du quartier. C’était presque une division. Un escadron de gendarmerie nationale à cheval, suivi de trois pièces d’artillerie montée, se mit en marche devant la voiture. Trois autres canons s’ébranlèrent derrière celle-ci. Une double colonne de fusiliers, le fusil chargé, dix-neuf autres cartouches dans la giberne, flanquaient de part et d’autre le véhicule. Tout un régiment de cavalerie de ligne formait l’arrière-garde. Le commandant-général Santerre avait pris ses précautions. Les différents corps avançaient à intervalles suffisants pour qu’à la moindre alerte on pût se développer en bataille. Il aurait fallu une armée pour enlever le roi. Un peu partout, des réserves stationnaient sous la pluie. En sortant de chez lui pour se rendre au Manège, son sautoir de député autour du cou, Claude avait trouvé le Carrousel transformé en bivouac. Les Tuileries, sous leurs arbres nus, étaient aussi tenues fortement, avec de l’artillerie. On apercevait sur la place des Piques, devant la Grande Chancellerie abandonnée par Danton, des cavaliers serrés dans leur manteau bleu. Des gardes nationaux bordaient la rue Saint-Honoré, aux alentours des Feuillants, refoulaient les curieux au ras des boutiques, interdisaient aux citoyens de s’attrouper.
    Dans la voiture du maire, aux glaces baissées malgré la pluie, Louis XVI regardait avec indifférence ces déploiements de forces. En revanche, il semblait ému de revoir le peuple sur lequel il promenait sans cesse le regard trouble de ses yeux bleus. Le long du boulevard, les gardes n’étaient point parvenus à empêcher les rassemblements, d’ailleurs tout à fait paisibles. Les sans-culottes ingambes se nichaient dans les arbres. Avec une curiosité généralement pitoyable et muette – la seule chose que l’on criât, c’était parfois : « Vive la Révolution ! » – on essayait d’entrevoir le monarque déchu que la nation allait juger. Chambon s’étonnait de le découvrir si peu soucieux de son sort. Il s’intéressait davantage à la ville. En passant devant les portes Saint-Denis et Saint-Martin, il demanda quelle était celle que l’on voulait démolir.
    Pendant ce temps, la Convention motionnait sur la façon de recevoir le ci-devant roi. On décidait qu’aucun débat n’aurait lieu en sa présence, nul député ne prendrait la parole, seul le président s’adresserait à lui. « Effrayons-le,

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