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Les autels de la peur

Les autels de la peur

Titel: Les autels de la peur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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du chevalier de Jarjayes. « Je prie Votre Majesté, écrivait celui-ci, de tenir M. Toulan pour un homme de confiance, quel qu’il ait pu Lui paraître. Je le vois depuis cinq semaines. Il a su me trouver, connaissant mon dévouement pour Votre Majesté, et il aurait pu me perdre avec nos amis s’il l’avait voulu. Je réponds de lui. Nous avons établi ensemble un projet qui offre de grandes chances de réussite. »
    Effectivement, il semblait réalisable. Il consistait à gagner ou corrompre deux autres municipaux, de façon qu’à un moment les quatre commissaires de service appartinssent à la conjuration. On aurait entre-temps recherché parmi les bataillons des sections armées ce qu’il restait de fidèles au roi. Il n’en fallait qu’une poignée, mais résolus. On s’arrangerait pour que, le jour voulu, ils soient désignés par leurs sections comme sentinelles au Temple. Ils formeraient la majorité de la garde. Il leur serait facile, avec la complicité des commissaires, de désarmer le reste du détachement, maîtriser les gardiens, délivrer la famille royale. On la conduirait rapidement, par des relais préparés, à la côte normande où un bateau attendrait pour la porter, avec ses libérateurs, en Angleterre.
    Ce projet avait d’autant plus de chances de réussir qu’il rencontrerait sinon l’assistance, au moins la sympathie de bien des gens. Car le vent tournait. Malgré les déclamations des journalistes, des clubistes, des sans-culottes à tous crins, la sensibilité, la pitié pour les détenus du Temple gagnait de jour en jour parmi la population. Bien des braves boutiquiers ou artisans, qui se représentaient les souverains comme des vampires, revenaient, complètement retournés, après avoir monté la garde dans l’enclos ou la grosse tour. Tel avait été le cas de Nicolas Vinchon, le cousin de la bonne Margot, le témoin épouvanté mais curieux du massacre de l’Abbaye. Enrégimenté dans sa section, muni d’un sabre et d’une pique, un bonnet rouge pour uniforme, les pieds dans des sabots garnis de paille, car il commençait de faire très froid, il était allé avec ses voisins prendre son tour au Temple. « Eh bien, lui demandèrent sa femme et sa fille quand il rentra, le lendemain, les as-tu vus ?
    — Comme je vous vois.
    — Alors, comment sont-ils ? Que font-ils ?
    — Ils sont tout simples, ils vivent le plus bonnement du monde. Le gros Louis habille son garçon et l’enseigne, il s’est remis au latin pour le lui apprendre. Il soigne son valet qui est malade, se lève la nuit en chemise pour lui donner des tisanes. Marie-Antoinette balaie sa chambre, raccommode la famille et tricote des bas pour son fils. La jeune fille est belle comme une Sainte-Vierge, elle joue avec son frère afin de lui donner du mouvement. Ma foi, je ne peux pas croire qu’ils soient méchants, on ne verrait pas famille plus douce ni plus unie, plus aimante. Ils sont juste comme nous. »
    La plupart des compagnons de Nicolas tenaient au même moment des propos identiques. Et il en allait de même chaque jour dans une ou une autre section.
    Aussi, ce matin du 11 décembre, les roulements de la générale éveillaient dans Paris plus de pitié, de curiosité un peu anxieuse, que de désirs de vengeance. Bien des citoyens ou citoyennes disaient, comme Margot servant le déjeuner à ses maîtres : « Ce n’est pas possible qu’on veuille enlever un si bon père à ses enfants et tourmenter encore cette famille, maintenant qu’elle n’est plus sur le trône. » Lise avait le cœur serré.
    Au Temple, on déjeunait aussi, mais seul le roi montrait son appétit habituel. On entendait le rappel des tambours, le bruit des troupes qui se massaient autour de l’enclos. Par leur présence, les municipaux, debout au seuil de la salle à manger, empêchaient tout épanchement. Il fallait feindre de ne point savoir de quoi il s’agissait. Eux-mêmes n’en disaient rien. On quitta la table, alors seulement ils avisèrent le roi qu’il devait se séparer des siens. Le maire et le procureur de la Commune allaient venir le prendre pour le conduire devant la Convention où il subirait un interrogatoire. Jusqu’à ce qu’il soit statué sur son sort, il ne reverrait pas sa famille.
    Comme il protestait en s’écriant : « Quoi ! messieurs, m’arracher même mon fils, un enfant de cet âge ! » un des commissaires répondit : « Vous devez être au secret durant tout votre

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