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Les autels de la peur

Les autels de la peur

Titel: Les autels de la peur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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se réduisaient à une. Il l’articula nettement : « Je demande que le dernier tyran des Français, le chef, le point de ralliement de tous les conspirateurs, soit condamné à la peine de ses forfaits. Tant que la Convention différera la décision de cet important procès, elle ranimera les factions et soutiendra les espérances des partisans de la royauté. »
    Tout ce que le Manège comptait de modéré, dans la Plaine, la Gironde et sur la Montagne même, rechignait à suivre des guides impitoyables. Le 3 décembre, Barbaroux, feignant d’abonder dans le sens de l’accusation, réclama un décret « mettant en cause Louis XVI ». C’était un moyen d’atermoyer, d’égarer ladite cause dans maint dédale de procédure. Robespierre n’attendait qu’une semblable occasion. Il intervint, avec un discours soigneusement préparé qui reprenait en la renforçant la thèse de Saint-Just. Il n’y avait pas, dit Maximilien, de procès à faire, de cause à débattre. Il s’agissait simplement de constater la culpabilité du roi déchu. Entreprendre de le juger revenait à reconnaître qu’il pouvait être innocent. Dans ce cas, le peuple était coupable, tous les défenseurs de la liberté devenaient des calomniateurs. Par conséquent il fallait considérer les émigrés, les prêtres réfractaires, les conspirateurs royalistes comme « les défenseurs de l’innocence opprimée », et tous les patriotes de France comme des criminels méritant le châtiment le plus sévère pour avoir porté atteinte à l’inviolabilité du monarque.
    Logique irréfutable qui coupait le souffle à l’Assemblée. Robespierre poursuivit : « Le procès du tyran, c’est l’insurrection ; son jugement, c’est la chute de sa puissance ; sa peine, celle qu’exige la liberté du peuple… Les peuples ne jugent pas comme les cours judiciaires : ils ne rendent point de sentences, ils lancent la foudre. Ils ne condamnent pas les rois, ils les replongent dans le néant. » L’argumentation faiblit un peu lorsque l’orateur déclara que les représentants du peuple avaient été convoqués avant tout pour faire expier au ci-devant roi ses forfaits. Aucun des mandats ne comportait cette recommandation, les plus impératifs se bornaient à l’abolition de la monarchie, au « jugement de Louis XVI ». Mais la liberté ne pouvait être solidement assise que par l’extirpation des racines mêmes de la royauté. Robespierre disait vrai en constatant : « Depuis que l’on a posé, à la tribune de la Convention nationale, la question : le roi peut-il être jugé ? son sort est devenu l’enjeu d’une bataille. Toutes les hordes féroces du despotisme s’apprêtent à déchirer de nouveau le sein de notre patrie au nom de Louis XVI. Du fond de sa prison, Louis combat encore contre nous. »
    Claude sentait cela fortement. Il fut néanmoins choqué d’entendre Maximilien s’exclamer : « Qu’importe au peuple le méprisable individu du dernier des rois ? » Il ne l’avait pas vu au Temple, lui ! Il ne mentait probablement pas en disant : « Je n’ai pour Louis ni amour ni haine, je ne hais que ses forfaits. » Et en ajoutant : « Louis doit mourir pour que la patrie vive », il exprimait une cruelle nécessité. Mais en tout cela il ne pensait pas assez à l’ individu, justement. Impitoyable dans la rigueur de son raisonnement, il conclut : « Je demande que la Convention déclare, dès ce moment, Louis traître à la nation française, criminel envers l’humanité. Je demande qu’il donne un grand exemple au monde dans le lieu même où sont morts, le 10 août, les généreux martyrs de la liberté. Je demande que cet événement mémorable soit consacré par un monument destiné à nourrir dans le cœur des peuples le sentiment de leurs droits et l’horreur des tyrans, et dans l’âme des tyrans la terreur salutaire de la justice du peuple. »
    Le discours était tombé dans un tragique silence. Il dura, après la péroraison, jusqu’à ce que les tribunes et les galeries éclatassent en applaudissements. Les députés restaient figés. En sortant, Garat, le ministre de la Justice, successeur de Danton, dit : « Il n’y a que les Tartares qui croient avoir le droit de passer leurs prisonniers au fil de l’épée ; il n’y a que les sauvages qui croient avoir le droit de les manger. »
    La Convention repoussa les demandes de Robespierre et exigea le procès. Néanmoins ce

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