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Les autels de la peur

Les autels de la peur

Titel: Les autels de la peur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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ressources dans l’Assemblée nationale actuelle, que je regarde, contre l’opinion de tout le monde, comme très supérieure à celle qui l’a précédée. »
    Eh bien, ça ! Ou ce pauvre Robespierre avait des choses la vue la plus fausse – car enfin la lecture des gazettes montrait abondamment la médiocrité générale des discours et des motions, le désordre dont Camille s’indignait, le manque de grandes idées politiques et législatives que signalait le fin Gorsas –, ou bien il voulait par cette opinion tendancieuse se justifier d’avoir conduit la précédente Assemblée au suicide, ou encore, tout simplement, l’optimisme lui mettait aux lunettes des verres roses. Peut-être s’en était-il aperçu, car il corrigeait : « Je pense ainsi quant à présent ; le temps éclairera tout. Mais il ne changera jamais rien à l’amitié que je vous ai vouée. Quand je dis vous, bien entendu je parle aussi à Madame. Mon cœur ne sépare pas ce que Dieu a uni. Adieu. Je vous embrasse autant que je le puis de Paris à Limoges, et la distance me paraît infinie. »
    Ce que Dieu a uni. Quel langage ! Quelle idée ! Aussi désuets que sa coiffure poudrée à blanc. « Il y a du curé, voire du jésuite, dans notre grand jacobin. Que t’en semble ? » dit Claude en faisant lire cette lettre à Lise.
    Mais en lui, il y avait assurément de l’humeur, voire quelque jalousie pour ce Maximilien trop favorisé. Il s’en rendit compte et se jugea plutôt odieux d’accueillir de la sorte une lettre si affectueuse, d’un ami qui ne lui devait rien, qui ne pouvait rien attendre de lui à présent, qui lui écrivait par pur attachement et prouvait donc la sincérité de sa sympathie, la fidélité à leurs souvenirs.
    Lise replia pensivement le feuillet. « Oui, dit-elle, c’est un singulier personnage, plein de complications, de contradictions. Je n’aurais jamais pensé que, séparé de nous, il eût seulement songé à nous écrire. Je suis injuste envers lui. Il a besoin de se sentir aimé, et je lui trouve tout ce qu’il faut pour déplaire. Quand je le lis, il me touche. Quand je le vois, je me rétracte. Quand je l’entends à la tribune, son ton aigre de magister m’horripile. Rien que ses espèces d’yeux vert pâle, cette bouche aux coins tirés me mettent mal à l’aise. Hélas ! je crois que c’est un homme avec lequel on ne peut pas être juste. »
    Le lendemain soir, Claude, dans le bureau abandonné par M. Mounier, était en train de répondre à Maximilien, lorsque M me  Mounier entra. « M. Dulimbert te demande, annonça-t-elle. Je l’ai fait asseoir au salon. »
    Chargé de la correspondance, au club, l’ancien moine travaillait en rapport étroit avec le président. Dans la période où Claude remplissait cette fonction, leurs relations, à l’homme aux lunettes et lui, étaient devenues quotidiennes, sans que, néanmoins, aucune familiarité se fût établie entre eux. Après la lecture aux Jacobins de son mémoire rendant un si exact hommage au représentant Mounier-Dupré, Claude avait exprimé sa gratitude au panégyriste. Lequel, avec sa fuyante onctuosité, s’était dérobé en répliquant que la justice allait de soi et ne souffrait point compliment. Claude aurait souhaité de le voir reprendre dans leurs rapports l’attitude, assez magistrale en somme, qu’il avait eue un bref instant, à Paris, au cours de leur entretien dans le bureau du logographe. Ici, il semblait ne pas vouloir sortir des apparences les plus effacées. Cette volonté de garder le masque, ces allures papelardes repoussaient Claude. Si elles irritaient sa curiosité, elles freinaient son attirance intellectuelle.
    Depuis une quinzaine, l’homme aux lunettes était absent de Limoges. Lorsque Claude fut venu le rejoindre dans le salon, il s’en expliqua sans préambule.
    « J’arrive de Paris, à l’instant, et je viens vous communiquer une nouvelle dont vous recevrez confirmation par le premier courrier. Vous avez été élu accusateur public près le tribunal criminel du 1 er arrondissement de Paris », dit-il sans la moindre expression sur son lourd visage.
    « Quoi ! s’exclama Claude stupéfait, essayant de voir les yeux derrière ces verres déformants. Ce n’est pas possible, je ne suis pas domicilié à Paris.
    — La loi ne l’exige nullement. Dois-je vous l’apprendre ? C’est votre comité qui l’a faite.
    — Mais je n’ai aucun titre.
    — Ne possédez-vous

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