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Les Aventures de Nigel

Les Aventures de Nigel

Titel: Les Aventures de Nigel Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Walter Scott
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amies.
    – Hé bien, soit ! se dit Nigel à lui-même , je ne suis guère plus à plaindre, à l’égard de mes perspectives de bonne fortune, que lorsque j’arrivai pour la première fois dans cette maudite cité ; cependant être chargé de lâches accusations, et flétri par d’infâmes soupçons ! être l’objet de la pitié la plus humiliante d’un estimable citadin, et de la malignité d’un misérable courtisan dévoré d’envie, qui ne peut pas plus supporter la bonne fortune et les bonnes qualités d’un autre que la taupe ne peut supporter l’éclat du soleil ! C’est vraiment une réflexion déplorable et dont les conséquences doivent s’attacher à mon avenir, et empêcher ma tête ou ma main, si elles me sont laissées, de pouvoir rien exécuter en ma faveur.
    La conviction qu’on est l’objet du blâme et de l’abandon général semble être une des peines les plus cruelles auxquelles l’homme puisse être condamné. Les plus atroces criminels, dont les nerfs n’ont pas été ébranlés par les plus horribles tortures, souffrent plus de la pensée qu’aucun homme n’éprouvera de pitié pour leurs souffrances que de la crainte de l’agonie même dont leur supplice les menace ; et souvent on les voit essayer de pallier leurs crimes, quelquefois même nier positivement ce que la preuve la plus claire a établi, plutôt que de mourir avec la malédiction universelle. Il n’était donc pas surprenant que Nigel, généralement soupçonné, quoique injustement, dût se souvenir, dans sa position cruelle, qu’au moins il existait un être qui non-seulement l’avait cru innocent, mais qui avait osé, de tout son faible pouvoir, intervenir en sa faveur.
    – Pauvre fille ! répétait-il ; fille malheureuse, imprudente, mais généreuse ! ton sort, ressemble à celui de cette infortunée qui, dans l’histoire d’Écosse, passa son bras dans les ferrures d’une porte pour l’opposer comme une barrière contre les assassins qui menaçaient d’immoler son souverain, Cet acte de dévouement fut inutile ; il ne servit qu’à immortaliser le nom de celle qui en fut l’auteur, et dont le sang coule encore, dit-on, dans les veines de ma maison {116} .
    Je ne puis expliquer au lecteur si le souvenir de cet acte historique de dévouement, et le sentiment que la comparaison, peut-être un peu outrée, devait produire en faveur de Marguerite Ramsay, ne furent pas un peu moins favorables à celle qui le lui rappelait, quand Nigel revint aux idées de noblesse et d’illustre origine que ce rapprochement réveillait en lui ; mais des idées tout opposées y succédèrent bientôt, – Que sont pour moi, pensa-t-il, famille et ancienne extraction ? – Mon patrimoine aliéné, – mon titre devenu un reproche ; – car qu’y a-t-il de plus méprisable qu’un mendiant titré ? – mon caractère flétri par le soupçon ! – Je ne puis rester dans ce pays ; et si, en le quittant, j’unissais mon sort à celui d’une personne aussi aimable, aussi généreuse et aussi fidèle, qui oserait dire que j’aie dérogé au rang auquel je suis forcé de renoncer ?
    Il y avait quelque chose de romanesque et d’agréable dans la manière dont il achevait ce tableau d’un couple aimant et fidèle, devenant l’un pour l’autre le monde entier, et bravant ensemble les coups du destin. Une pareille union avec une créature si charmante, et qui lui avait témoigné dans ses disgrâces un intérêt si vif et si généreux, se présentait à son imagination sous ces flatteuses couleurs qui charment un jeune homme sensible aux tableaux des romans.
    Soudain son rêve fut péniblement troublé par la réflexion qu’il était fondé sur l’ingratitude et sur l’égoïsme. Maître de son château et de ses tours, de ses forêts et de ses terres, de son beau patrimoine et de son nom illustre, il eût rejeté comme une chose pour ainsi dire impossible l’idée d’élever à son rang la fille d’un artisan ; mais dégradé de sa noblesse et plongé dans les embarras de l’indigence, il était honteux de ne pas se sentir la force d’empêcher que cette infortunée, dans sa tendresse aveugle, n’abandonnât la perspective d’un meilleur avenir pour embrasser la vie précaire et incertaine à laquelle il était lui-même condamné. – Le caractère généreux de Nigel s’épouvanta du plan de bonheur égoïste qu’il s’était tracé ; et il fit tous ses efforts pour écarter, pendant

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