Les Aventures de Nigel
acclamations qu’il méritait par son courage ; et, sincèrement, j’espère voir Votre Seigneurie souffrir avec la même magnanimité.
– Je vous remercie, sir Mungo, dit Nigel, qui naturellement n’avait pu se défendre d’un sentiment assez désagréable pendant ce récit, dont le vieux chevalier ne voulait lui épargner aucun détail : je ne doute nullement que ce spectacle ne soit très-engageant pour vous et les autres spectateurs, n’importe les sensations de la partie la plus intéressée.
– Très-engageant, répondit Mungo, très-intéressant, – vraiment très-intéressant, quoique pas tout-à-fait autant qu’une exécution pour crime de haute trahison. J’ai vu Digby, les Winters Fawkes, et le reste de la clique de la conspiration des poudres, subir leur supplice ; c’était un très-beau spectacle, autant pour le genre du châtiment que pour la fermeté avec laquelle ils le supportèrent.
– Je n’en suis que plus sensible, sir Mungo, à la bonté qui ne vous a pas empêché, quoi que vous puissiez perdre, de me féliciter d’avoir échappé au danger de donner un spectacle aussi édifiant.
– Comme vous le dites, milord, c’est une perte pour les spectateurs, mais ce n’en est une pour vous qu’en apparence. La nature a été très-libérale envers nous, et nous a donné des duplicata de quelques-uns de nos organes, afin que nous puissions supporter la perte de l’un d’eux, lorsqu’il nous arrive de pareils accidens pendant notre vie. Voyez ma pauvre main droite réduite au pouce et à un doigt par l’arme d’un adversaire, cependant, et non par un instrument de supplice : – hé bien, monsieur, cette pauvre main estropiée me rend, en quelque sorte, autant de services qu’autrefois ; et, supposons que la vôtre soit coupée au poignet, vous avez encore votre main gauche à votre service, et elle s’en tirera mieux que le petit nain hollandais qui se montre dans toute la ville, et qui enfile une aiguille, peint, écrit, et agite une pique avec son pied, sans avoir une seule main pour l’aider.
– À merveille ! sir Mungo, ceci est sans contredit très-consolant ; mais j’espère que le roi épargnera ma main, afin qu’elle puisse combattre pour lui sur le champ de bataille, où, en dépit de votre obligeant encouragement, je verserais mon sang beaucoup plus gaiement que sur un échafaud.
– Malheureusement, répliqua sir Mungo, il n’est que trop vraisemblable que c’est sur l’échafaud que vous devez le répandre. – Pas une ame pour parler en votre faveur, si ce n’est cette jeune fille abusée, Marguerite Ramsay.
– Qui voulez-vous dire ? reprit Nigel avec plus d’intérêt qu’il n’en avait témoigné jusque-là à tous les discours du chevalier.
– Eh ! qui voudrais-je dire, si ce n’est cette jeune fille travestie avec laquelle nous avons dîné quand nous honorâmes l’orfèvre Heriot de notre présence ? Vous savez mieux que moi comment vous l’avez mise dans vos intérêts ; mais je l’ai vue aux genoux du roi pour vous. Elle m’a été confiée pour être amenée ici en tout honneur et en sûreté. Si cela n’avait dépendu que de moi, je l’aurais conduite à Bridewell {115} , pour luirafraîchir à coups de verges son sang trop ardent. – Jolie donzelle, qui pense à porter les culottes, et, qui n’est pas même encore mariée !
– Écoutez, sir Mungo Malagrowther, dit Nigel, parlez de cette jeune personne avec le respect convenable.
– Certainement, milord, je ne parlerai d’elle qu’avec tout le respect qui est dû à la maîtresse de Votre Seigneurie et à la fille de David Ramsay, dit sir Mungo en prenant un ton sec et ironique.
Nigel était très-disposé à trouver ici un motif de querelle sérieuse ; mais avec sir Mungo une pareille affaire eût été ridicule : il étouffa son ressentiment, et le conjura de lui raconter tout ce qu’il avait vu et tout ce qu’il avait entendu dire relativement à cette jeune personne.
– J’étais simplement dans l’antichambre lorsqu’elle eut audience, et j’entendis le roi dire, à ma grande inquiétude : Pulchra sanè puella et Maxwell, qui n’a pas l’oreille très-latine, pensa que Sa Majesté l’appelait par son nom de Sawney ; il entra : alors je vis le roi relever de sa propre main la jeune fille, qui, comme je l’ai déjà dit, était travestie en homme. J’aurais pu penser sur cela ce que j’aurais voulu ; mais notre gracieux
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