Les Aventures de Nigel
docteur Dryasdust, ce célèbre antiquaire, possède une montre antique, à cadran d’argent, avec une corde à violon pour chaîne, et qui porte les noms de Vincent et de Tunstall.
Maître Lowestoffe ne manqua pas de soutenir son caractère de gaieté, en s’informant de John Christie et de dame Nelly ; mais, à sa grande surprise (et même à son détriment, car il avait parié dix livres sterling qu’il s’impatroniserait dans la famille), il trouva la boutique fermée, et apprit que les denrées avaient été vendues à l’enchère, et que le marchand et son épouse étaient partis sans dire où ils allaient. Néanmoins on croyait généralement qu’ils étaient passés dans un des nouveaux établissemens formés en Amérique.
Lady Dalgarno, en apprenant la mort de son indigne époux, éprouva une foule d’émotions diverses au milieu desquelles dominait la pitié, en songeant qu’il avait été frappé de mort au milieu d’une carrière de vices. Cet événement augmenta encore sa mélancolie, et porta une nouvelle atteinte à sa santé, que tant de secousses avaient déjà sensiblement altérée. Rentrée en possession de ses biens personnels par la mort de son mari, elle eût voulu rendre justice à lord Glenvarloch, en traitant avec lui pour le décharger de l’hypothèque prise sur ses biens ; mais le scribe, effrayé des derniers événemens, avait cru prudent de prendre la fuite, de sorte qu’il fut impossible de découvrir dans quelles mains les papiers étaient passés. Richie Moniplies avait ses raisons pour garder le silence. Les Templiers qui avaient été témoins du remboursement gardèrent le silence à sa prière, et l’oncrut généralement que le scribe avait emporté les papiers avec lui. Nous dirons en passant que la dame Suddlechops, partageant les craintes du scribe, délivra pour jamais la ville de Londres de sa présence, et qu’elle termina ses jours dans le Rasphaus {142} d’Amsterdam.
Le vieux lord Huntinglen, l’œil sec et d’un pas assuré, accompagna le cortège funèbre de son fils unique ; et si une seule larme échappa de ses paupières et tomba sur la tombe, c’était moins son fils lui-même qu’il regrettait, que l’extinction de sa race dans le dernier de ses rejetons.
CHAPITRE XXXVII.
JACQUES. – « À coup sûr, il va arriver un nouveau déluge,
« et tous ces couples viennent dans l’arche. –
« Voici une paire de bêtes bien étranges. »
SHAKSPEARE. Comme il vous plaira .
La mode change pour les histoires du genre de celle-ci comme pour toutes les autres choses de ce monde. Il fut un temps où l’auteur était obligé de terminer son récit par une description détaillée de la noce, même de la jarretière enlevée ; ce n’était pas assez d’avoir fait passer son héros et son héroïne à travers tant d’épreuves et de dangers, il fallait encore les conduire jusqu’au pied du lit nuptial : c’était le dénouement de rigueur. On n’omettait pas alors la moindre circonstance, depuis les regards tendres de l’époux, et l’aimable rougeur de la mariée, jusqu’au surplis neuf du ministre de la paroisse, et le tablier de soie de la suivante de l’épousée. Mais ces sortes de descriptions sont maintenant négligées, par la même raison sans douter que les mariages publics ne sont plus à la mode, et qu’au lieu de réunir ses amis dans un bal ou dans un banquet, le couple fortuné s’échappe dans une chaise de poste aussi furtivement que s’il voulait prendre la route de Gretna-Green, ou même faire pis encore. Je suis loin de me plaindre d’une innovation qui épargne à l’auteur la peine de faire de vains efforts pour donner un air de nouveauté à ces descriptions banales et cent fois répétées, mais néanmoins je me trouve forcé, dans cette occasion, de revenir à l’ancienne méthode, comme un voyageur peut se trouver obligé de passer par une route qui depuis quelque temps est abandonnée. Le lecteur expérimenté a pu s’apercevoir que le chapitre précédent a été employé à déblayer la route de tout ce qui pouvait l’encombrer, c’est-à-dire de tous les personnages subalternes de notre histoire, afin que la place fût entièrement libre pour l’heureux mariage dont il nous reste à parler.
Il serait vraiment impardonnable de passer légèrement sur ce qui intéressait si vivement notre principal personnage, le roi Jacques. Ce monarque, qui joignait l’instruction à un bon naturel,
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