Les aventures extraordinaires d'Adèle Blanc-Sec: Le roman du film

l’estrade comme un vulgaire mouton. Le reptile volant bouscule le bourreau au passage. L’exécuteur des basses œuvres trébuche et tombe, la tête la première sous la guillotine. Le choc est si violent qu’il actionne la poignée retenant la lame et déclenche la mécanique.
    Un sifflement. Un « clac » !
    Une tête tombe dans la bassine… Les officiels s’affolent, les gendarmes retiennent la foule qui pousse un cri à l’unisson. Personne ne comprend rien à ce qui vient de se passer…
     
    … Au balcon du cinquième étage, l’une des bourgeoises qui observait tout ça avec ses jumelles de théâtre, est à la fois surprise et déçue. Elle se tourne vers son mari, occupé à ouvrir une nouvelle bouteille pour arroser ce spectacle sanguinaire.
    — Je n’ai pas tout saisi, Armand, dit-elle. Pourquoi le bourreau s’est-il envolé avec un sac noir sur la tête ?

Chapitre 28
    … la mort en ce jardin des Plantes…
    U n bien étrange équipage traverse le ciel de Paris.
    Adèle Blanc-Sec, journaliste, montant un ptérodactyle qui tient dans ses griffes le Professeur Marie-Joseph Espérandieu qui, lui, n’aura pas l’occasion d’apprécier le spectacle de ce survol de la capitale, vu qu’il a toujours le sac noir sur la tête.
    Adèle flatte le cou de sa monture jurassique. Elle sourit, jubilant intérieurement. Elle a réussi ! Elle a dompté cet animal qui emporte celui qui l’a fait naître et qui va maintenant pouvoir s’occuper de Patmosis. Agathe va revenir à la vie ! C’est merveilleux ! Mais il va falloir faire vite, et redoubler d’attention, songe Adèle. Car toutes les polices de France vont se lancer à la recherche d’Espérandieu, après cette évasion aussi sauvage qu’inattendue !
    Elle n’a pas bien vu ce qui s’est passé sur l’échafaud car sa monture a agi avec une rapidité foudroyante, mais les témoins de cet enlèvement aérien l’ont probablement aperçue, et la voilà complice de ce que certains vont considérer comme un grave délit, un crime même. Songez donc ! Soustraire un condamné à la peine capitale, au nez et à la barbe des autorités !
    Elle se dit qu’une fois achevée la mission qu’elle s’est donnée de sauver sa sœur, elle saura tout expliquer au Président Fallières. Ce grand humaniste Républicain comprendra qu’Espérandieu était innocent. Il excusera les libertés qu’elle a prises pour arriver à ses fins, car son but était noble ! Il saura montrer sa grande mansuétude. Surtout quand elle lui ramènera son petit Nelson adoré !
    Adèle sent le vent filer sur son visage et dans ses cheveux. C’est merveilleux de voler, accrochée comme ça à un être vieux de centaines de millions d’années, qui plus est… Le soleil de l’aube qui monte éclaire tout Paris. Les toitures et le haut des immeubles de la Ville Lumière étincellent de rose et d’orange. Elle voit les automobiles et les fiacres qui encombrent déjà certaines rues, les passants qui font comme de petites fourmis affairées. Elle se dit qu’un jour sans doute, elle apprendra à piloter un aéroplane. Mais elle ne retrouvera jamais cette sensation incroyable de faire corps avec une espèce disparue d’animal volant, capable de la porter et d’emporter dans ses serres celui qui lui a redonné la vie et qui a bien failli y laisser la sienne.
    Adèle voit passer le Panthéon et la montagne Sainte Geneviève. Au loin, les boucles de la Seine semblent un fleuve d’or et de vermeil argenté du sillage des péniches.
    Le ptérodactyle se dirige droit vers son nid, il commence à descendre, ses ailes glissant dans l’air du matin en sifflant doucement, vers les bâtiments du Muséum et les serres, les arbres et le parc du Jardin des Plantes…
     

     
    En bas, Saint-Hubert soupire sous sa peau de mouton camouflage. Sa patience est enfin récompensée, car il voit soudain le terrible animal passer à toute vitesse au-dessus du Jardin des Plantes et disparaître plus loin, après les arbres, pour se poser.
    — Oh mon Dieu, fait le chasseur ! Il a emporté un homme !
    Il se retourne et donne un coup de pied à Caponi, qui dort comme un sonneur dans l’enclos.
    — Inspecteur ! crie Saint-Hubert, allez chercher une ambulance, je m’occupe du reste !
    Et le reste en question est de mauvais augure car il recharge son impressionnant fusil à lunettes. Caponi, réveillé en sursaut, chose qu’il abhorre au moins autant que d’avoir l’estomac vide,