Les aventures extraordinaires d'Adèle Blanc-Sec: Le roman du film
brillance dans le buisson. Un reflet du soleil sur la lunette du long fusil. Femme moderne avant l’heure, Adèle est une femme d’action même si elle aime par-dessus tout lire son courrier dans son bain. À force de fréquenter des gens infréquentables comme les malfrats Égyptiens « associés » dans sa recherche du tombeau de Patmosis, ou divers personnages malfaisants comme le sinistre Dieuleveut, elle a acquis des réflexes immédiats qui lui ont souvent sauvé la vie. Et celle des autres.
Apercevant cet éclat de soleil incongru, elle se jette sur le vieil Espérandieu et elle a juste le temps de l’aplatir dans l’herbe : La balle de Saint-Hubert siffle au-dessus de leurs têtes et atteint le ptérodactyle en plein poitrail.
Le coup de feu a retenti très violemment, comme une énorme porte qui claque. Et cette porte a claqué sur le sort de l’animal, qui gémit instantanément de douleur, agitant mollement ses ailes, titubant sur place…
Un peu plus loin dans ce Jardin des Plantes normalement si paisible, au milieu de l’enclos où il dormait sous sa peau de mouton, Caponi s’est réveillé en sursaut au bruit de cette détonation. Un réflexe professionnel, sans doute.
Menard et Zborowsky se regardent, regardent Adèle et Espérandieu, regardent le ptérodactyle, affolés.
Dans sa cachette, Saint-Hubert essaye d’engager une seconde cartouche dans le canon de son long fusil, mais l’arme s’est enrayée. Il s’énerve, secouant la culasse.
— Ah, c’est pas le moment de me lâcher, toi !
Nelson, le petit fox-terrier du Président de la république, regarde son nouveau copain, cette espèce de grand oiseau rougeâtre qui a fait de lui le premier chien volant de l’histoire des chiens, et qui lui a donné de si merveilleux os à ronger, et il comprend que son ami est blessé. C’est fou ce que les chiens peuvent comprendre vite… Furieux, Nelson part à fond de train.
Le petit fox-terrier a tôt fait de repérer le chasseur derrière ses buissons, qui lui, ne l’a pas vu. Le chien passe à côté d’Adèle et Espérandieu qui commencent à se relever, fait le tour du fourré à toute vitesse, et se jette sur Saint-Hubert par derrière en grognant comme un enragé. Il lui saisit un mollet entre ses petits crocs et le mord, décidé à rester accroché jusqu’à ce que son copain soit vengé.
— Vas-tu me lâcher, sale bête ! crie le chasseur soudain moins vaillant, mais très énervé.
Les petites dents de Nelson lui font un mal de chien, c’est le cas de le dire. Et Saint-Hubert est surtout très humilié d’être ainsi agressé par un petit animal ridicule ! Un grand chasseur de fauves comme lui ! Il essaye de frapper le clebs avec la crosse de son fusil, mais c’est difficile, parce qu’il tourne avec lui, comme s’il était planté dans son mollet à l’horizontale, ce qui est précisément le cas.
Ménard, lui, ne sait pas comment s’approcher du ptérodactyle blessé. Toutes ses études, toute sa Science de paléontologue, tout son savoir, ne l’ont jamais préparé à se retrouver devant un reptile volant du jurassique blessé par balle ! Par la balle ignorante et quasi obscurantiste d’un Béotien, chasseur de fauves de surcroît. Et ce pauvre « oiseau » du fond des âges saigne, saigne et gémit… et ce son rauque et grinçant est un arrache cœur…
Adèle a un problème équivalent. Quand elle s’est relevée, après le coup de feu, elle a tout de suite vu qu’Espérandieu saignait. Une tache rouge grandit sous sa chemise. Elle n’en croit pas ses yeux. Espérandieu est tellement en osmose avec son ptérodactyle qu’il porte la même blessure, comme s’il avait reçu une balle aussi ! Mais Espérandieu ne dit rien.
Zborowsky, qui s’est précipité vers Adèle, plutôt que vers le monstre volant, même blessé, ne sait pas bien quoi faire. Quand il regarde Adèle, il perçoit une intense détresse chez elle, même si elle serre les lèvres sans rien dire. Quelque chose qui dépasse largement le simple accident de chasse à l’animal préhistorique, ce qui serait déjà un crime en soi, non pas contre l’humanité, mais contre tout ce qui l’a précédé. Et, même pour le jeune Andrej, qui malgré sa timidité maladive, est loin d’être un imbécile, la mort de cet animal sorti d’un œuf vieux de plus de 150 millions d’années est une catastrophe pour la Science, avec un grand S.
À
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