Les aventures extraordinaires d'Adèle Blanc-Sec: Le roman du film
antédiluvien !
Elle résiste vaillamment aux secousses. Zborowsky est affolé. Nelson aussi, qui se met à courir partout en aboyant comme un fou, et Adèle fait de son mieux pour maîtriser son étrange monture.
Au bout d’un moment, l’animal commence à fatiguer, et sa cavalière lui caresse le cou pour le féliciter.
— Voilà… c’est bien mon coco ! Sage !
— Vous êtes incroyable, Mademoiselle Adèle ! fait Zborowsky, plus qu’épaté.
— Maintenant que l’incroyable est fait, déclare Adèle, avec un rien de fierté… Passons à l’impossible !
Et comme sur son chameau dans les dunes d’Égypte, elle pousse le fameux cri :
— YAHALAA !!
Elle tire sur ses rênes improvisées et le ptérodactyle décolle aussitôt. Le reptile tourne un peu sur place au-dessus des arbres de sa clairière, puis s’élance vers le ciel.
Et l’étrange silhouette d’Adèle chevauchant ce monstre d’un autre âge se découpe sur un reste de lune qu’estompent les premières lueurs de l’aube.
Chapitre 26
Un interlude funeste où l’homme
(et même la femme) s’avère un loup pour l’homme,
et nettement plus monstrueux qu’un ptérodactyle…
N ous quittons malheureusement Adèle Blanc-Sec pour quelques instants, le temps de monter un escalier bien étroit qui s’élève dans un immeuble sombre, à la suite d’un groupe de bourgeois parisiens qui suit le gérant de cet immeuble. Dans un frou-frou de robes longues et des bruits de talons, deux femmes et deux hommes en frac grimpent, un peu essoufflés, vers un étage élevé.
— Comme tout ceci est excitant ! dit l’une des femmes avec une voix pointue, aussi agaçante qu’une vrille de dentiste.
— Vous n’avez encore rien vu, ma chère, répond l’un des hommes.
— Il faudra d’ailleurs bien regarder, car le spectacle est court ! enchaîne l’autre homme.
— Court, certes ! mais il est à couper le souffle ! précise le premier homme.
Cette répartie déclenche des rires qui résonnent dans cette cage d’escalier.
— Armand, vous êtes tellement spirituel, dit la femme qui a le rire le plus aigu, entre deux spasmes qui font se demander si elle ne simule pas cette hilarité galopante, ou si elle ne cherche pas à séduire son interlocuteur.
— Vous m’inspirez, vous m’inspirez ! réplique ce dernier, avec un petit rire égrillard et complice.
Tout ceci serait fort drôle s’il s’agissait d’une de ces comédies de Boulevard qui font la joie des directeurs de théâtre en cette belle année 1912. Deux couples légitimes, des désirs illégitimes entrecroisés, des quiproquos… Mais tel n’est pas le sens de cet interlude, car voici nos quatre bourgeois à la mine un peu tirée par une nuit blanche, et leur guide rouge et bedonnant arrivés sur le palier d’un appartement haut perché. Le gérant sort une clé et ouvre la porte avec un cérémonial certain et un peu exagéré.
— Messieurs dames, nous y voilà ! annonce-t-il comme un Monsieur Loyal avant un grand numéro de cirque.
Or, c’est presque cela dont il s’agit. Un drôle de cirque, plus proche des sanglantes arènes romaines que du Cirque d’Hiver. Mais n’anticipons pas. Et gageons que si Adèle Blanc-Sec était présente dans ce petit appartement, elle les aurait volontiers précipités tous ensemble dans la machine à emballer les momies, comme Dieuleveut, si une telle chose était possible. Bien que ce soit presque un sort trop enviable pour des goujats comme eux. Et presque une insulte à la science des savants de l’Égypte ancienne. Mais heureusement pour nos quatre bourgeois, Adèle n’est pas là.
— Je vous ai préparé une petite collation pour vous mettre en appétit, ajoute le gérant.
Et il se tourne en désignant une table couverte de divers pâtés, charcuteries, tranches de pain, et garnie de verres et de bouteilles de vin.
— Vous avez bien fait, répond Armand, voici pour vous…
Et le fier Armand sort de sa poche de gousset quelques billets de banque pliés en quatre, qu’il tend au gérant sans la moindre vergogne. Or, ce qui va suivre est assez surprenant. Sauf pour certains lecteurs qui auront vu venir le drame dans cette mauvaise comédie de boulevard. Car il y en a de bonnes, heureusement. Mais pas celle-ci.
— Bon spectacle, dit le gérant.
Et refaisant une courbette pour ces dames, il disparaît ensuite par la porte palière qu’il referme doucement derrière lui.
L’une
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