Les Aveux: Nouvelle Traduction Des Confessions
tu sois – c’est-à-dire la substance que tu es – tu es incapable
d’être détruit, tout est faux et exécrable. Et s’ils disent que tu peux être
détruit, c’est faux, et abominable dès le premier mot.
Oui, cela m’aurait suffi contre ceux que, de toute façon, ma
conscience malheureuse devrait vomir. En concevant à ton propos ces
sentiments et ces discours, ils ne s’en sortaient pas sans que leur
conscience et leur langue ne commettent un horrible sacrilège.
4.
Jusque-là, je pouvais bien dire et éprouver en profondeur que notre
Dieu était sans souillure, sans changement et sans transformation
aucune – Dieu vrai qui as fait non seulement nos âmes mais aussi nos
corps, et non seulement nos âmes et nos corps mais toutes les âmes et
tous les corps – mais je n’avais toujours pas d’explication ni d’éclaircissement à la cause du mal. Quelle qu’elle soit, je voyais qu’on devait lachercher sans se condamner à croire que le Dieu immuable pouvait
changer, sous peine de devenir moi-même l’objet de ma recherche. Je
m’interrogeais en toute sécurité, certain qu’étaient faux les discours de
ceux que je fuyais de toute mon âme. Je les voyais cherchant d’où vient
le mal, remplis d’une méchanceté qui préférait penser que ta substance
pâtissait du mal plutôt que d’avoir à penser qu’eux-mêmes pouvaient
être les acteurs du mal.
5.
Je m’appliquais à comprendre ce que j’entendais : le libre arbitre de
notre volonté était la cause du mal que nous faisions, et l’effet de ta justice celle de nos souffrances. Je n’avais pas la force de le reconnaître
clairement. Je tentais d’extirper mon intelligence de ce trou noir mais je
m’enfonçais. À chacun de mes efforts, je m’enfonçais. Toujours plus.
Ce qui me hissait vers ta lumière, c’était d’être aussi sûr de ce que je
voulais que d’être en vie. Quand je voulais ou ne voulais pas quelque
chose, j’étais absolument sûr qu’il ne s’agissait pas d’un autre que moi.
Et déjà, déjà, je me rendais compte que c’était la raison de mon erreur.
Mais je voyais bien qu’en agissant contre mon gré j’étais plutôt victime
qu’acteur. Je n’étais pas coupable mais sanctionné. Pour moi, tu étais
juste, je trouvais donc normal et juste que je sois puni.
Mais j’allais plus loin. Qui m’a fait ? n’est-ce pas mon Dieu qui est
non seulement bon mais le bien lui-même ? Alors pourquoi vouloir le
mal et ne pas vouloir le bien ? Est-ce pour justifier mon châtiment ? Qui
a mis cela en moi ? et semé pour moi des plants amers alors que mon
Dieu très doux m’a fait entièrement ? Si le diable en est l’auteur, d’où
vient le diable ? Et si une volonté perverse l’a fait passer de bon ange à
diable, d’où est venue en lui cette méchante volonté qui le ferait diable
puisque l’auteur de sa création l’avait fait ange entièrement ?
Ces pensées me déprimaient. Je suffoquais. Sans pour autant me laisser entraîner jusqu’à cet enfer de l’erreur où personne ne se confie à toi
pensant que c’est toi qui pâtis du mal et non l’homme qui le fait.
6.
Je m’efforçais de dépasser ma première découverte, à savoir que
l’indestructible est supérieur au pouvoir de destruction, d’où j’avouaisque toi, quoi que tu sois, tu es indestructible. Aucun esprit jamais n’a
pu ni ne pourra concevoir quelque chose de meilleur que toi. Le bien
supérieur et le meilleur. Car s’il était absolument vrai et certain que
l’indestructible dépasse le pouvoir de destruction, comme je le pensais déjà, j’aurais pu atteindre par la pensée quelque chose de meilleur
que mon Dieu si tu n’avais pas été indestructible ! Je voyais en conséquence que préférer l’indestructible à la destruction était le point de
départ de mon enquête sur toi, pour, à partir de là, savoir d’où vient
le mal – c’est-à-dire d’où vient le pouvoir de destruction lui-même,
qui ne peut en aucun cas violer ta substance. En aucun cas le pouvoir
de destruction ne peut violer notre Dieu, que ce soit par un acte délibéré, par nécessité ou par hasard, puisque lui-même en tant que Dieu
veut pour lui le bien et qu’il est ce bien. Or la destruction n’est pas un
bien.
Tu n’es forcé à rien contre ton gré. Ce que tu veux faire n’est pas
supérieur à ce que tu peux faire. Sinon tu serais plus grand que toi-même. Mais la volonté alliée à la puissance de Dieu est
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