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Les Aveux: Nouvelle Traduction Des Confessions

Titel: Les Aveux: Nouvelle Traduction Des Confessions Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Frédéric Boyer
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langue nouait
de tendres pièges et les disséminait sur son chemin pour entraver ses
pieds honnêtes et libres.
    22.
    Lui s’étonnait que moi, qu’il appréciait, je sois si attaché à cette sensualité au point d’affirmer, chaque fois que nous en discutions entre
nous, que je ne pouvais vraiment pas passer ma vie en célibataire. Pour
me défendre, devant son étonnement, je lui disais qu’il y avait une
grande différence entre son expérience rapide et furtive, dont il se souvenait à peine, lui permettant ainsi un mépris facile exempt de chagrin,
et les jouissances dont j’avais l’habitude. Et si on y ajoutait l’honorabilité du titre matrimonial, il ne devait pas s’étonner de mon incapacité à
mépriser ce genre de vie.
    Alors il en vint lui-même à désirer la vie de couple. Non par réel désir
d’en jouir mais par curiosité. Il voulait, disait-il, connaître cette chose
sans laquelle ma vie, qu’il aimait en l’état, ne serait plus pour moi une
vie mais un châtiment. L’esprit libre, il était stupéfait de mon esclavage ;
et de la stupeur il en vint à l’envie de faire cette expérience, et de là à
l’expérience elle-même qui le ferait peut-être tomber dans cet esclavage
qui le stupéfiait. Il voulait faire un pacte avec la mort.
    Qui aime le danger y succombera.
    Aucun d’entre nous, en réalité, n’accordait d’importance, ou si peu,
à la dignité de la vie conjugale, au respect des règles du mariage et
au soin des enfants. Mais chez moi, c’était principalement l’habitude
d’assouvir une inassouvissable concupiscence qui me retenait prisonnier et me torturait violemment. Chez lui, c’est l’étonnement qui le
tenait captif.
    Nous en étions là. Jusqu’à ce que toi, très haut, qui n’oublies jamais
cette terre que nous sommes, en t’apitoyant sur des êtres pitoyables, tu
viennes à leur secours de façon étonnante et obscure.
    23.
    On voulait avec insistance que je me marie. J’avais déjà fait ma
demande et reçu une promesse, due surtout aux agissements de ma
mère. Pour elle, une fois marié, je serais délivré par les eaux du baptême. Toute à sa joie de m’y voir chaque jour mieux disposé, et de penser que ses vœux et ta promesse s’accompliraient quand je serais fidèle.
Oui, sur ma demande, et suivant son désir, elle te suppliait chaque jour
d’un puissant cri du cœur pour que tu lui montres en vision quelque
chose de mon futur mariage. Mais tu n’as jamais voulu. Elle se faisait
bien quelques illusions fantasmatiques – ce qui se produit quand
l’esprit humain s’efforce de penser à quelque chose avec acharnement.
Ce qu’elle me racontait distraitement, sans son assurance habituelle,
quand tu lui faisais voir quelque chose. Elle disait qu’elle pouvait faire
la différence, à je ne sais quelle saveur inexplicable par des mots, entre
tes révélations et les songes de son esprit.
    Mais on insistait toujours et on a fini par choisir une fille qui me plaisait. Il lui manquait encore deux ans pour être nubile. On attendrait.
    24.
    Avec beaucoup d’amis, nous avons échafaudé un projet commun.
Nous détestions le désordre et les chagrins de la vie humaine. Nous
étions quasi décidés à nous retirer de la foule et à avoir une vie sans
souci. Qui se serait organisée ainsi : tout ce que nous pourrions avoir
nous le mettrions en commun pour créer un seul patrimoine. Dans une
amitié sincère, aucun d’entre nous ne posséderait telle ou telle chose,
mais on ferait un seul bien de tout, et l’ensemble appartiendrait à chacun et le tout à tous. Notre communauté, nous semblait-il, pourrait être
de dix hommes environ. Parmi nous, il y en avait de très riches, notamment Romanianus, notre concitoyen, que de sérieuses difficultés dans
ses affaires avaient fait venir à la cour, et qui était pour moi un ami
d’enfance toujours très proche. C’était le plus enthousiaste. Il était trèspersuasif car son immense fortune dépassait de beaucoup toutes les
nôtres. Nous avions trouvé bon que chaque année deux d’entre nous,
un peu comme des magistrats, soient chargés de veiller au nécessaire
pour laisser les autres en paix. Puis nous nous sommes demandé si nous
pouvions envisager d’accepter de faibles femmes, celles que certains
d’entre nous avaient déjà ou celles que nous projetions d’avoir…
    Alors tout ce beau projet, si bien conçu, vola en éclats entre nos
mains, fut réduit en miettes, et pour finir

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