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Les champs de bataille

Les champs de bataille

Titel: Les champs de bataille Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Dan Franck
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la rencontre de Delestraint alors qu’il savait que cerendez-vous était connu des Allemands, et la boîte aux lettres de la rue Bouteille grillée.
    —  On  ? »
    Hardy nargue son interrogateur.
    «  On, oui.
    — Vous le connaissez. Il était le chef d’état-major adjoint de l’Armée secrète.
    — Son nom.
    — Thomas.
    — Merci. »
    Le juge marque ce nom à côté de celui de Barrès sur la feuille posée devant lui. Il tire un trait reliant les deux identités. Il sait quel poisson il veut pêcher. Il a deux lignes à l’eau. Il relève la première :
    « Hier, vous m’avez dit que vous étiez deux à marcher vers la maison du docteur Dugoujon.
    — Peut-être.
    — En vérité, vous étiez trois. »
    Hardy répète :
    « Peut-être.
    — La troisième personne était celle avec qui vous vous trouviez au départ du funiculaire de la Croix-Paquet. Vous avez mentionné un seul camarade. Pourquoi ?
    — Allez-y, signifie Hardy avec morgue. Je vous écoute.
    — La raison ne m’importe pas, répond le juge. Je m’en tiendrai aux faits.
    — Ceux que vous connaissez, maugrée Hardy.
    — A peu près tous. »
    Le juge ouvre le dossier, puis une chemise marquée 21 juin . Il lit. Et dit, sans quitter le papier qu’il a sous les yeux :
    « Le 21 juin, celui qui vous accompagnait avait rendez-vous à la Croix-Paquet. Mais pas vous. »
    Il quitte les lignes dactylographiées pour dévisager Hardy. Celui-ci ne bronche pas.
    « C’est lui qui devait aller à la réunion de Caluire. Mais pas vous. »
    Le juge précise :
    « Il avait reçu l’ordre de vous emmener avec lui.
    — C’est vous qui le dites.
    — Je ne suis pas le seul », répond sèchement le juge.
    Il pose la main sur le dossier.
    « Cent témoignages le confirment.
    — Et puis ? »
    Le juge attend quelques secondes avant de demander :
    « Qui avait donné l’ordre à Thomas de vous retrouver à la Croix-Paquet pour vous emmener chez le docteur Dugoujon ? »
    Hardy le fixe, muet. Le juge répond à sa place :
    « Barrès. »
    Il referme la chemise. Le greffier soulève ses doigts sur le clavier de la machine à écrire. Il attend. Hardy serre les maxillaires. Ses lèvres sont blanches. Ses yeux, très bleus habituellement, paraissent d’ombre.
    « Il y a un point commun entre Barrès, Thomas et vous-même.
    — Plusieurs, même, gronde Hardy.
    — Pour le moment, un seul m’intéresse : avant guerre, vous étiez tous liés à des mouvements d’extrême droite.
    — Barrès et moi revendiquions même cette appartenance. Thomas, je ne sais pas : je l’ai connu plus tard. »
    Le juge dépose ses deux lignes sur les rivages où il vient d’aborder.
    « Jean Moulin, lui, était un homme de gauche.
    — Cela ne signifie rien, objecte Hardy.
    — Vous ne pensez pas ce que vous dites. »
    Hardy toise le juge. Une fierté allume sa pupille.
    « Vous avez raison. Max était coco.
    — N’exagérez pas non plus.
    — Il voulait réintroduire le jeu des partis politiques après la guerre.
    — Vous étiez contre ?
    — Les Boches avaient abattu la République. On n’allait pas la remettre en place !
    — Vous étiez contre ? répète le juge avec impatience.
    — On ne s’était pas battus pendant quatre ans pour se faire confisquer le pouvoir ! » s’écrie Hardy.
    La colère le soulève légèrement de son siège. Il dresse l’index dans la direction de son vis-à-vis.
    « Votre Moulin, alias Rex, alias Max, alias qui vous voulez, discutait avec les socialistes et les communistes pour les ramener au bercail républicain ! Pour nous qui combattions, c’était insupportable !
    — Eux ne combattaient pas ?!
    — Pas dans le même sens !
    — C’est vrai, réplique le juge avec dégoût. Certains des vôtres trafiquaient avec l’Abwehr allemande.
    — Nous étions tous d’accord pour éradiquer le communisme en Europe.
    — “Tous”, c’était qui ?
    — D’anciens cagoulards, des fonctionnaires haut placés à Vichy, des fascistes d’avant la guerre qui nous donnaient des renseignements obtenus chez leurs camarades collabos ou sympathisants nazis.
    — Joli monde, remarque le juge.
    — Vous auriez préféré que les Bolcheviks envahissent l’Europe ?
    — Je n’ai pas à répondre à vos questions.
    — A partir de 1943, nous préparions l’après-guerre.
    — Vaste projet, grommelle le juge.
    — Certainement ! Pas de rouges chez

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