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Les champs de bataille

Les champs de bataille

Titel: Les champs de bataille Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Dan Franck
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lyonnaise : il trahira son camp. Pour preuve de sa bonne volonté, il l’emmène au pont Morand où il a rendez-vous avec quelques-uns des membres de son réseau. Ainsi le nazi peut-il les identifier pour, on imagine, les arrêter plus tard.
    — Ce n’est pas ainsi que je formulerais les choses », rectifie le juge.
    Il se tourne vers le greffier, lui commandant une pause.
    « Il y a en effet une alliance idéologique entre votre maîtresse, vous et le contre-espionnage allemand. Mais l’Abwehr n’est pas la Gestapo. Les deux services s’opposent souvent, notamment sur les méthodes.
    — On ne torturait pas dans les caves de l’hôtel Lutetia…
    — Mais Barbie, quand il vous tient, exige plus qu’une collaboration idéologique. Barbie est pire qu’un flic. Aujourd’hui, on le considérerait comme une barbouze. Il fait du chiffre. Il arrête, et il veut toujours plus. C’est ce qu’il attend de vous. Lui, et aussi l’Abwehr. Je ne sais pas comment les deux services s’entendent, et s’ils le font sur votre dos. Toujours est-il que vous les emmenez au pont Morand…
    — Pas du tout ! »
    Hardy s’est levé de sa chaise. Il brandit le poing. Son visage est convulsé.
    « Je n’emmène personne au pont Morand ! Ni l’Abwehr ni la Gestapo !
    — A l’avenir, réplique le juge sur un ton glacial, je ne distinguerai plus l’un de l’autre. En 1943, ils occupent le pays au nom de la même idéologie. Ils représentent le même pouvoir, et la tâche dévolue à la Résistance consiste à les combattre de la même façon ! »
    Il tend le bras en direction de la chaise de l’inculpé et ordonne :
    « Asseyez-vous. »
    Les deux hommes se mesurent du regard, puis Hardy s’assied.
    « Je poursuis. Vous les emmenez au pont Morand après leur avoir indiqué qu’une réunion importante se tiendrait le lendemain. Vous ne savez encore ni où ni comment…
    — Stop ! Thomas me parle de cette réunion pendant notre déjeuner. Comment aurais-je pu prévenir Barbie avant, et le faire venir au pont Morand pour préparer une opération contre une rencontre dont j’ignore tout ?
    — Vous savez qu’elle aura lieu, répond le juge placidement.
    — Ah oui ?
    — Je peux vous retrouver les cotes correspondant aux dépositions de Thomas : quand il vous a croisé dans la rue, la veille, pour vous inviter au pont Morand, il vous avait déjà parlé de la réunion !
    — Ah oui ? répète Hardy, moins incrédule que soucieux de gagner du temps.
    — Témoignage confirmé par votre fiancée, avec laquelle vous étiez quand Thomas vous a rencontré le matin du 19 juin, rue de l’Hôtel-de-Ville.
    — Dont acte, fait Hardy, un peu défait.
    — Je peux même vous dire que vous ne teniez pas à vous rendre à cette réunion !
    — C’est un bon point pour moi !
    — Vous saviez sans doute quels risques vous feriez courir à vos camarades en y amenant la Gestapo !
    — Si Barbie vient sur mes basques au pont Morand, pourquoi n’arrête-t-il pas les gens de mon groupe à ce moment-là ?
    — Précisément parce qu’ils appartiennent à votre groupe. C’est le marché : aucun de vos camarades ne doit être inquiété.
    — Seulement Max ?
    — Seulement Max, opine le juge.
    — Mais il n’était pas au pont Morand !
    — Je reprends. Vous amenez Barbie dansvotre sillage pour qu’il repère Thomas. Vous saviez que Thomas était convoqué, et vous n’étiez pas sûr de vous y rendre. Si ce n’était pas l’un, ce serait l’autre. Au mieux, les deux. Le pont Morand n’intéresse Barbie que pour cela : il est la première marche de l’escalier qui va le conduire à Max. Et Max, c’est le plus gros poisson qu’il puisse pêcher. L’homme que tous les services allemands, Abwehr et Gestapo mêlées, rêvent de prendre. »
    Le juge se penche vers Hardy et ajoute, presque sur le ton de la confidence :
    « Et vous allez leur donner la main.
    — Seulement parce que Max est un homme de gauche ?
    — Et aussi pour sauver votre fiancée. »
    Hardy hausse les épaules. Il secoue la tête tout en affichant une moue ironique indiquant clairement son point de vue : absurde. Le juge ordonne au greffier de reprendre sa frappe.
    « Oublions votre fiancée pour le moment. Restons avec Max.
    — Accordé, s’amuse Hardy. Mais je vais vous décevoir en réaffirmant un propos antérieur. Je ne crois pas avoir rencontré Max, et j’ignorais qu’il était un homme de

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