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Les champs de bataille

Les champs de bataille

Titel: Les champs de bataille Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Dan Franck
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s’ils frappent. Il reste là, absolument immobile, respirant à peine, et quand il les entend s’éloigner, il risque un regard dans l’œilleton et les voit disparaître au bout du couloir. Alors il souffle, puis, aidant la vague à refluer, il se persuade qu’il a reconnu la silhouette du gardien, celle du voisin qui loge au-dessus, et il attend encore quelques minutes, se libérant d’une tension qui le quitte peu à peu pour mourir aux pieds de René Hardy lorsqu’il regagne le cabinet d’instruction.
    « Excusez-moi », dit-il.
    Comme si rien ne s’était passé, il retrouve sa place et sa fonction de jadis, aimable ainsi qu’il l’était toujours avec les inculpés au début des interrogatoires. Il n’a même pas besoin de reprendre ses dossiers pour renouer le fil de l’instruction : il sait où il va.
    « Qui vous a donné l’ordre de vous rendre à Caluire ? » demande-t-il doucement.
    Hardy hésite, mais pas longtemps : il ne peut remporter cette manche. Il dit :
    « Barrès.
    — Barrès », confirme le juge.
    Il note cette nouvelle occurrence sur la feuille qui en contient déjà plusieurs.
    « Il vous l’a demandé lui-même ?
    — Oui. Mais aussi par l’intermédiaire de Thomas.
    — Il ne voulait pas y aller ?
    — Il quittait Lyon le jour même pour se marier.
    — Comme par hasard. »
    Hardy se tend vigoureusement sur sa chaise. Chaque fois que le juge a effleuré Barrès, l’inculpé s’est raidi dans la position du matador en défense.
    « Il n’avait pas le droit de se marier ? Vous lui contestez cela ?
    — Pas du tout, réplique aimablement le juge. Je relève simplement qu’il a quitté Lyon à vingt et une heures alors que la rencontre était organisée pour quatorze heures. Il avait donc largement le temps de s’y rendre…
    — Il n’était pas convoqué.
    — Vous non plus ! Et il vous demande d’aller à une réunion où vous n’êtes pas invité, ce qui contrevient à une règle élémentaire de sécurité : ne s’y rendent que les personnes appelées par celui qui organise la réunion. Donc, par Max.
    — Et alors ? » questionne Hardy.
    Le juge croise les mains sur le formica. Il regarde Hardy.
    « Max avait exigé qu’on vous tienne à l’écart de toute activité.
    — Parce qu’il croyait que j’avais livré Delestraint.
    — Parce qu’il s’étonnait que vous fussiez en liberté alors que le général avait été arrêté.
    — On ne va pas refaire cette histoire-là, siffle Hardy. Nous en avons déjà beaucoup parlé. »
    Le juge poursuit :
    « S’il avait su que vous étiez en laisse, il vous aurait éloigné.
    — A tout le moins.
    — Peut-être même abattu. »
    Après un silence, le juge ajoute :
    « En tout cas, il aurait annulé la réunion de Caluire.
    — Vous imaginez l’après-guerre », maugrée Hardy.
    Il s’interrompt. Le juge complète le propos :
    « S’il avait vécu, vous voulez dire…
    — Je ne l’ai pas dit.
    — Vous l’avez pensé et je connais votre avis sur cette question. Vous l’avez déjà exprimé.
    — Il est clair, assène l’inculpé avec force, que Jean Moulin contre de Gaulle, à la Libération,l’affaire aurait swingué ! A tout prendre, de Gaulle était moins pire !
    — Moins à gauche ?
    — Le Général était Action française dans sa jeunesse alors que l’autre était radical-socialiste.
    — Vous le saviez ? »
    Hardy se trouble. Le juge insiste :
    « Saviez-vous, en 1943, que Max était un ancien élu de la gauche ?
    — Non. D’ailleurs, je ne suis même pas sûr de l’avoir jamais rencontré. »
    Il grimace un sourire torve et déclare, se moquant ouvertement du magistrat :
    « Je vois très bien où vous voulez en venir, monsieur le juge. Mais votre raisonnement bute sur une incohérence. Voulez-vous que je sois plus clair ? »
    D’un geste de la main, le juge lui propose de poursuivre.
    « Selon vous, René Hardy, chef de Résistance-Fer, arrêté à Chalon par la Gestapo, retourne sa veste et se met au service de l’ennemi. Etant déjà liée aux services de contre-espionnage allemands, sa maîtresse lui facilite le boulot. Ainsi, les droites européennes se retrouvent pour préparer l’après-guerre avec un objectif commun : lutter contre les communistes. Je me trompe ?
    — Pas encore, réplique le juge.
    — L’alliance idéologique étant scellée, René Hardy conclut un accord avec le chef de la Gestapo

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