Les chasseurs de mammouths
plus de place que vous, peut-être moins, et
nous sommes aussi nombreux !
— C’est vrai, appuya Tronie.
Manuv hochait vigoureusement la tête.
— Personne n’a beaucoup de place, déclara Ranec.
— Il a raison ! approuva de nouveau Tronie, avec une
véhémence accrue. Même le Foyer du Lion, je crois, est plus petit que le tien,
Frébec, et ils sont plus nombreux, avec des enfants plus grands. Ils sont
vraiment à l’étroit. Peut-être devrait-on prendre pour eux un peu d’espace sur
le foyer où l’on fait la cuisine. Si un foyer le mérite, c’est bien le leur.
— Mais le Foyer du Lion ne réclame pas plus de place,
essaya de dire Nezzie.
Le regard d’Ayla allait de l’un à l’autre. Elle ne comprenait
pas comment le Camp tout entier se trouvait brusquement entraîné dans un tel
concert de vociférations mais elle avait l’impression que, d’une manière ou d’une
autre, la faute lui incombait.
Au-dessus du vacarme s’éleva soudain un rugissement sonore qui
domina le tapage et fit taire tout le monde. Debout au centre du foyer, Talut
se dressait avec toute l’assurance que donne l’autorité. Jambes écartées, il
tenait dans sa main droite le long bâton d’ivoire orné de signes mystérieux.
Tulie vint se placer près de lui, pour apporter le poids de sa présence. Ayla
se sentit intimidée par leur double prestance.
— J’ai apporté le Bâton Qui Parle, annonça Talut.
Pour donner plus de poids à ses paroles, il leva très haut le
bâton.
— Nous allons discuter paisiblement de ce problème et lui
apporter une juste solution.
— Au nom de la Mère, ajouta Tulie, que personne ne
déshonore le Bâton Qui Parle. Qui parlera le premier ?
— A mon avis, dit Ranec, Frébec devrait parler le premier.
Le problème le concerne.
Insensiblement, Ayla, pour tenter d’échapper à la bruyante
assemblée, s’était rapprochée de l’extérieur du cercle. Elle remarqua que
Frébec semblait inquiet, mal à l’aise, face à cette attention hostile qui se
concentrait sur lui. Le commentaire de Ranec avait laissé fortement entendre qu’il
était le seul responsable de ce désordre. Pour la première fois peut-être, la
jeune femme, plus ou moins dissimulée derrière Danug, détaillait Frébec.
Il était de taille moyenne. Elle était probablement un peu plus
grande que lui mais elle dépassait aussi légèrement Barzec et elle était sans
doute de la même taille que Wymez. Elle était tellement habituée à être plus
grande que tout le monde qu’elle n’y avait encore jamais prêté attention.
Frébec avait des cheveux châtain clair, qu’il commençait à perdre, des yeux d’un
bleu moyen, des traits réguliers. C’était un homme d’aspect très ordinaire.
Ayla ne trouvait rien en lui qui pût expliquer son comportement agressif,
injurieux. A bien des reprises, dans sa prime jeunesse, la jeune femme aurait
souhaité ressembler autant au reste du Clan que Frébec ressemblait à son
peuple.
Au moment où il s’avançait pour recevoir des mains de Talut le
Bâton Qui Parle, Ayla, du coin de l’œil, remarqua Crozie : elle avait un
sourire affecté qui exprimait un plaisir méchant. A la limite du Foyer de la
Grue, Fralie observait ce qui se passait.
Frébec se racla la gorge à plusieurs reprises, resserra sur le
bâton d’ivoire l’étreinte de ses doigts et commença :
— C’est vrai, j’ai un problème.
Il promena autour de lui un regard inquiet, se renfrogna, se
redressa.
— Ou plutôt, nous avons un problème au Foyer de la Grue. Il
n’est pas assez grand. Nous n’avons pas de place pour travailler. C’est le plus
petit de toute l’habitation.
— Non, ce n’est pas le plus petit. Il est plus grand que le
nôtre protesta Tronie, incapable de se contenir.
Tulie lança sur elle un regard sévère.
— Tu auras l’occasion de parler, Tronie, quand Frébec en
aura fini. Tronie rougit, marmonna des excuses. Son embarras parut redonner
courage à Frébec. Son attitude se fit plus agressive.
— Nous n’avons déjà pas assez d’espace, Fralie n’a pas la
place de travailler, et... et Crozie est trop à l’étroit. Bientôt nous aurons
une personne de plus. Nous avons droit à un foyer plus grand, je pense.
Frébec rendit le Bâton à Talut, recula de quelques pas.
— Tronie, tu peux parler, maintenant dit Talut.
— Je ne crois pas... je voulais seulement... Eh bien, oui,
je vais peut-être prendre la parole.
Tronie
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