Les chasseurs de mammouths
s’adaptaient à une routine
qui les faisait dormir pendant un temps raisonnable avant de s’éveiller pour se
nourrir, mais la nouveau-née de Fralie n’était pas assez forte pour téter
longuement chaque fois, et en conséquence, ne dormait pas bien longtemps avant
d’avoir de nouveau besoin de se sustenter. Fralie allait devoir, elle aussi, se
contenter de sommes très brefs, jusqu’au moment où l’enfant serait plus
vigoureux.
Il était presque étrange de voir Frébec et Crozie travailler
ensemble, s’aider mutuellement pour venir en aide à Fralie, se témoigner l’un à
l’autre une courtoisie mesurée. Peut-être cela ne durerait-il pas, mais ils
faisaient des efforts et leur animosité semblait s’éteindre.
Crozie était allée se coucher de bonne heure. La journée avait
été dure, et elle n’était plus toute jeune. Elle était lasse et elle pensait
bien se lever tôt pour s’occuper de Fralie. Crisavec couchait toujours avec le
fils de Tulie, et Tronie gardait Tasher.
Frébec, seul au Foyer de la Grue, contemplait le feu. Il
éprouvait des émotions mêlées. Ce tout petit enfant, le premier-né de son
foyer, lui inspirait de l’anxiété et un instinct de protection. De la peur,
aussi. Ayla lui avait mis le bébé dans les bras, pour qu’il le tînt un instant
pendant que Crozie et elle veillaient au bien-être de Fralie. Il l’avait
détaillée, sans parvenir à croire qu’un être aussi minuscule pût être aussi
parfait. Les toutes petites mains avaient même des ongles. Il avait peur de
bouger, peur de briser l’enfant. Pourtant, il se la laissa prendre à regret.
Brusquement, Frébec se leva, s’engagea dans le passage central.
Il n’avait pas envie d’être seul ce soir-là. A la limite du Foyer du Mammouth,
il s’arrêta, observa les quelques personnes assises autour du feu. C’étaient
les membres les plus jeunes du Camp. Par le passé il aurait poursuivi son
chemin sans s’arrêter jusqu’au premier foyer où il se serait entretenu avec
Talut et Nezzie, avec Tulie et Barzec, ou bien avec Manuv ou Wymez ou même
récemment avec Jondalar, et parfois Danug. Crozie se trouvait souvent au foyer
de la cuisine, mais il était plus facile de l’ignorer que d’affronter la
possibilité de se voir ignorer par Deegie ou dédaigner par Ranec. Mais Tornec s’était
montré amical, un peu plus tôt, sa compagne avait déjà enfanté, il savait ce
que c’était. Frébec reprit longuement son souffle, s’approcha du feu.
Au moment où il arrivait près de Tornec, les autres éclatèrent
de rire, et il crut un instant qu’ils se moquaient de lui. Il fut tenté de
partir.
— Frébec ! Te voilà ! dit Tornec.
— Il doit rester un peu d’infusion, je crois, déclara
Deegie. Laisse-moi t’en servir une coupe.
— Tout le monde me dit que c’est une jolie petite fille,
fit Ranec. Et Ayla assure qu’elle a une bonne chance de vivre.
— Nous sommes heureux d’avoir Ayla, affirma Tronie.
— Oui, c’est vrai, répondit Frébec.
Durant un moment personne ne dit mot. C’était le premier éloge d’Ayla
qu’on entendait tomber de la bouche de Frébec.
— On pourra peut-être lui donner un nom à la Fête du
Printemps, suggéra Latie.
Elle était assise dans l’ombre près de Mamut, et Frébec ne l’avait
pas remarquée.
— Ça lui porterait bonheur.
— Oui, sûrement, dit Frébec.
Il prit la coupe que lui tendait Deegie. Il se sentait plus à l’aise.
— Moi aussi, j’aurai mon rôle à la Fête du Printemps,
ajouta Latie, mi-timidement, mi-fièrement.
— Latie est femme, maintenant expliqua Deegie, de l’air un
peu condescendant d’une grande sœur qui s’adresse à un autre adulte averti.
— Elle connaîtra les Rites des Premiers Plaisirs à la
Réunion d’Été, cette année, ajouta Tronie.
Frébec hocha la tête, et ne sachant que dire, sourit à Latie.
— Fralie dort toujours, demanda Ayla ?
— Elle dormait quand je suis parti.
— Je vais aller me coucher moi aussi, je crois, dit la
jeune femme en se levant, je suis lasse.
Elle posa la main sur le bras de Frébec.
— Tu viendras me chercher quand Fralie se réveillera ?
— Oui, certainement, Ayla... et... euh... merci,
ajouta-t-il à voix basse.
— Ayla, je crois qu’elle pousse, dit Fralie. Elle est
plus lourde, j’en suis sûre, et elle commence à regarder autour d’elle. Je
pense aussi qu’elle tète plus longtemps.
— Elle a cinq jours, elle
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