Les chasseurs de mammouths
Talut en se servant
une seconde louche. Qu’est-ce qui t’a décidée à nous faire cuire une si bonne
soupe ?
— Je n’arrivais pas à dormir. Je suis sortie prendre l’air
et j’ai vu toutes ces bonnes choses qui attendaient qu’on les cueille. Ça m’a
permis... de ne pas penser.
— J’ai dormi comme un ours des cavernes, déclara Talut qui
étudia attentivement Ayla en regrettant que Nezzie ne soit pas là. Qu’est-ce
qui ne va pas, Ayla ?
— Rien... enfin, si. Mais je ne sais pas ce que c’est.
— Serais-tu malade ?
— Non, ce n’est pas ça... Je... je me sens bizarre. Les
chevaux aussi sont nerveux. Je ne sais pas ce qu’il y a.
Soudain, Ayla laissa échapper sa coupe et se figea, grimaçant d’effroi,
les yeux rivés sur le sud-est.
— Talut, regarde ! s’écria-t-elle en désignant une
colonne gris-noir qui s’élevait dans le lointain et envahissait le ciel d’un
nuage sombre. Qu’est-ce que c’est ?
— Je n’en sais rien, avoua l’Homme Qui Ordonne, aussi
effrayé qu’elle.
— Moi non plus.
Ils se retournèrent en entendant cette voix. C’était Vincavec.
— Cela vient des montagnes du sud-est, articula le mamut en
essayant de cacher sa frayeur.
Un Homme Qui Ordonne, mamut de surcroît, ne devait pas montrer
ses peurs, ce qui n’était pas toujours facile.
— C’est sans doute un signe de la Mère, reprit-il,
rasséréné.
Ayla était persuadée qu’une terrible catastrophe venait de
bouleverser la terre pour qu’elle vomisse ainsi avec une telle ardeur. La
colonne grise devait avoir des proportions incommensurables pour paraître aussi
énorme de si loin, et le gigantesque nuage qui se formait au-dessus s’avançait,
menaçant. Des vents violents se levaient qui le pousseraient bientôt vers l’ouest.
— C’est le lait des Mamelles de Doni, annonça Jondalar en Zelandonii
d’une voix neutre qui reflétait mal son trouble.
Tout le monde était sorti des tentes et contemplait avec effroi
l’éruption terrifiante et l’énorme nuage de cendres volcaniques en
effervescence.
— Co... Comment as-tu dit ? demanda Talut.
— C’est le nom d’une sorte de montagne, expliqua Jondalar.
Une montagne qui vomit. J’en ai vu une cracher des cendres quand j’étais petit.
Nous l’appelons les « Mamelles de Doni ». Le vieux Zelandoni nous a
raconté une légende sur elles. Celle que j’ai vue se trouvait au loin sur une
chaîne centrale. Un homme qui voyageait près de la montagne nous a ensuite
expliqué ce qu’il avait vu. C’était très intéressant, mais l’homme était vert
de peur. Il y a d’abord eu de petits tremblements de terre, et le couvercle de
la montagne a été projeté en l’air. Ensuite, la montagne a craché le même nuage
qu’ici. Ce n’est pas vraiment un nuage, c’est de la poussière, ou de la cendre.
Celui-ci, fit-il en montrant le nuage qui s’étalait vers l’ouest, semble s’éloigner.
J’espère que le vent ne va pas tourner. Lorsque les cendres retombent, elles
recouvrent tout. Et la couche peut être très épaisse.
— Cela doit se passer loin d’ici, remarqua Brecie, on n’aperçoit
même pas les montagnes, et il n’y a aucun bruit, ni grondement, ni tremblement
de terre. On ne voit que cette énorme vomissure et l’immense nuage noir.
— Tant mieux, dit Jondalar. Si les cendres tombent, nous
serons peut-être épargnés. Nous sommes assez loin.
— Tu parlais de tremblements de terre ? Les
tremblements de terre sont un signe de la Mère, déclara Vincavec qui ne voulait
pas paraître moins savant que l’étranger. Ce que nous voyons en est
certainement un aussi. Les mamuti devront méditer sur ce qu’ils ont vu, et
interpréter le message.
Ayla comprit seulement qu’on parlait de tremblements de terre,
et les tremblements de terre étaient ce qu’elle craignait le plus au monde.
Elle avait perdu sa famille à l’âge de cinq ans dans une violente déchirure de
la croûte terrestre, et un autre tremblement de terre avait tué Creb le jour où
Broud avait prononcé sa Malédiction Suprême et l’avait chassée du Clan. Les
tremblements de terre avaient toujours présagé une perte irréparable, un
changement dramatique dans sa vie. Elle éprouvait toutes les peines du monde à
se contrôler.
Une chose familière surgit alors dans son champ de vision, et l’instant
d’après une boule de poils gris se précipita sur elle, sauta à son cou et
appuya ses pattes pleines
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