Les chasseurs de mammouths
manque d’enthousiasme. Elle savait combien Ranec l’aimait
et ne doutait pas qu’elle pût être heureuse avec lui. Elle se réjouissait d’avoir
un jour un enfant qui ressemblerait à celui de Tricie. Dans son for intérieur,
Ayla était certaine que Ralev était l’enfant de Ranec, et non le produit d’un
mélange d’esprits. Elle était sûre qu’il avait introduit l’enfant dans le
ventre de Tricie grâce à son essence en partageant les Plaisirs avec elle. Ayla
aimait bien la jeune femme rousse et éprouvait de la pitié pour elle. Elle
envisagea de partager Ranec et son foyer avec Ralev et Tricie, si cette
dernière y consentait.
Mais la nuit, seule dans le noir, Ayla se laissait aller à
penser qu’elle serait heureuse de ne pas vivre au foyer de Ranec. Elle avait
évité de partager sa couche à l’aller, sauf en de rares occasions où il
semblait soucieux de l’avoir près de lui, non par désir physique mais pour être
rassuré. Au retour, elle n’avait pu se résoudre à partager les Plaisirs avec le
sculpteur et ne cessait de penser à Jondalar. Elle retournait toujours les
mêmes questions dans sa tête, mais ne trouvait aucune réponse.
Lorsqu’elle repensait à la chasse et à l’accident qu’elle avait
évité de justesse, et qu’elle revoyait le regard douloureux d’inquiétude de
Jondalar, elle se disait qu’il l’aimait encore. Mais alors, pourquoi avait-il
été si distant tout l’hiver ? Pourquoi avait-il cessé de trouver ses
Plaisirs en elle ? Pourquoi avait-il fui le Foyer du Mammouth ? Elle
se souvint de ce fameux jour dans les steppes, la première fois qu’il avait
chevauché Rapide. Lorsqu’elle pensait au désir de Jondalar, à son envie d’elle,
et à son propre corps brûlant de le recevoir, un besoin de lui la dévorait qui
l’empêchait de dormir. Elle ressentait avec amertume le rejet de Jondalar, et
ne comprenait plus ce que voulait vraiment le Zelandonii.
Après une journée particulièrement longue, Ayla fut l’une des
premières à quitter le foyer au sortir du repas. Elle rentra sous la tente
après avoir rejeté d’un sourire, en prétextant la fatigue, la demande
silencieuse de Ranec de partager ses fourrures. L’air désolé du sculpteur la
rendit mal à l’aise. Mais elle se sentait réellement lasse et n’était plus sûre
de ses sentiments. Avant d’entrer sous la tente, elle aperçut Jondalar près des
chevaux. Il lui tournait le dos et elle l’observa, fascinée malgré elle par son
corps musclé, l’aisance de ses gestes, et par son port altier. Elle le
connaissait si bien qu’elle l’aurait reconnu à son ombre. Elle remarqua aussi
que son désir s’était éveillé en le regardant. Haletante, empourprée, elle se
sentit irrésistiblement attirée vers lui.
Non, se dit-elle, c’est sans espoir. Si je m’approche, il s’éloignera,
il trouvera une excuse et ira discuter avec quelqu’un. Elle pénétra donc sous
la tente et se glissa dans ses fourrures, encore bouleversée par cette
rencontre.
Elle était fatiguée, et pourtant le sommeil la fuyait. Elle
tournait et se retournait, se défendant du désir qui la torturait. Pourquoi s’intéresser
à lui puisqu’il semblait l’ignorer ? Mais alors que signifiaient ces
regards ? Pourquoi l’avait-il tant désirée ce jour-là dans les
steppes ? On aurait dit qu’il ne pouvait pas lutter contre son attirance
pour elle. Une pensée lui traversa l’esprit et la fit frémir. Et s’il ne
supportait pas cette attirance ? Peut-être voulait-il s’en défaire ?
Le rouge lui monta au visage, mais de dépit cette fois. A voir
les choses sous cet angle, tout s’éclairait, ses fuites et ses esquives. Donc,
il luttait contre l’envie qu’elle provoquait en lui ? En repensant à
toutes ses tentatives pour l’approcher, pour lui parler, pour le comprendre,
alors qu’il ne songeait qu’à la fuir, elle se sentit humiliée. Il ne m’aime
pas, conclut-elle. Il ne m’aime pas comme Ranec. Jondalar prétendait m’aimer,
et parlait de m’emmener avec lui quand nous étions dans ma vallée, mais il ne m’a
jamais proposé l’Union. Il n’a jamais dit qu’il voulait partager son foyer avec
moi, et ne m’a jamais demandé de lui donner des enfants.
Pourquoi est-ce que je continue à m’intéresser à lui alors qu’il
se moque de moi ? se demanda-t-elle, les yeux brûlants de larmes. Elle
renifla et s’essuya d’un revers de main. Pendant que je ne pensais qu’à
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