Les chasseurs de mammouths
lui, il
cherchait à m’oublier, se disait-elle, rageuse.
Ranec, lui au moins, il m’aime, et il sait me donner les
Plaisirs. Il est bon, il veut partager son foyer avec moi. Pourtant, je n’ai
pas été très attentionnée. Il fait aussi de beaux bébés, comme celui de Tricie,
par exemple. Je devrais être plus gentille avec Ranec et oublier Jondalar, se
promit-elle. Mais pendant que les pensées défilaient dans sa tête, elle éclata
en sanglots. Elle avait beau faire, elle ne pouvait nier l’évidence : oui,
Ranec est bon et généreux, mais Ranec n’est pas Jondalar, et c’est Jondalar que
j’aime.
Ayla ne dormait toujours pas quand les Mamutoï vinrent se
coucher. Elle regarda Jondalar entrer et le vit jeter un coup d’œil de son côté
d’un air hésitant. Elle l’observa un moment, puis détourna la tête. Sur ces
entrefaites, Ranec arriva. Elle s’assit et lui sourit.
— Je croyais que tu étais fatiguée, s’étonna-t-il.
— Oui, je le croyais aussi, mais je ne trouve pas le
sommeil. Pourquoi ne pas partager tes fourrures, après tout ?
Le sourire radieux qui illumina le visage de Ranec aurait fait
de l’ombre au soleil lui-même...
— Heureusement que rien ne m’empêche de dormir quand je
suis fatigué, fit Talut avec un sourire complice en s’asseyant sur ses
fourrures pour défaire ses bottes.
Ayla remarqua que Jondalar faisait grise mine. La douleur se
lisait sur son visage, et il rejoignit sa couche l’air abattu. Soudain, il fit
demi-tour et sortit d’un pas vif. Ranec et Talut échangèrent un bref regard, et
l’homme à la peau foncée se tourna vers Ayla.
Lorsqu’ils atteignirent les marais, ils décidèrent de les
contourner. Ils étaient trop chargés pour s’aventurer dans la vase. On consulta
l’itinéraire de l’année précédente gravé sur une plaque d’ivoire, et la
décision fut prise de changer de cap le matin suivant. Talut pensait qu’on ne
perdrait pas de temps à contourner les marais, mais eut du mal à en convaincre
Ranec que le moindre retard contrariait.
La soirée qui précéda leur changement de direction, Ayla fut
plus sombre que d’habitude. Les chevaux avaient été nerveux toute la journée,
et ils ne se calmèrent pas quand Ayla les bouchonna. Quelque chose se
préparait, Ayla n’aurait pas su dire quoi, mais elle ressentait un étrange
malaise. Elle tenta de distraire son inquiétude en marchant longuement dans la
steppe.
Elle aperçut une compagnie de lagopèdes et chercha sa fronde,
mais elle l’avait oubliée. Soudain, sans raison apparente, les oiseaux s’envolèrent,
pris de panique. Un aigle royal apparut à l’horizon. Avec d’amples mais lents
battements d’ailes, il filait nonchalamment en suivant les courants d’air.
Pourtant le rapace rattrapa les oiseaux qui volaient à tire d’aile à moindre
altitude, et piqua brusquement sur une victime qu’il étouffa dans ses serres.
Ayla frissonna et retourna vivement au camp. Elle s’attarda
après le repas, parlant avec les uns et les autres pour évacuer son angoisse,
mais rien n’y fit. Lorsqu’elle se coucha, le sommeil la fuit longtemps et fut
ensuite peuplé de rêves troublants. Elle se réveilla souvent, et vers l’aube
elle était de nouveau éveillée et ne put se rendormir. Elle se glissa hors de
ses fourrures, sortit de la tente et alluma du feu pour faire chauffer de l’eau.
Pendant que le ciel grisâtre se colorait lentement, elle but son
infusion matinale en regardant distraitement une fleur en ombelle séchée qui se
dressait sur une mince tige près du feu. Au-dessus du foyer, on avait suspendu
sur trois sagaies en faisceau un quartier de mammouth à moitié mangé, hors d’atteinte
des animaux maraudeurs. Sortant de sa torpeur, Ayla reconnut enfin la fleur de
la carotte sauvage, et apercevant sur un tas de bois une branche cassée au bout
acéré, elle l’utilisa comme bâton à fouir et creusa la terre de quelques pouces
pour dégager les racines de la plante. Elle vit d’autres fleurs en ombelle et
pendant qu’elle les déterrait, elle aperçut des chardons, croustillants et
juteux une fois la tige débarrassée des épines. Près des chardons, une grosse
vesse-de-loup encore blanche et fraîche attendait d’être cueillie au milieu de
petits lis aux nouveaux bourgeons croquants. Quand les chasseurs se levèrent,
un grand panier de soupe enrichie de céréales les attendait en mijotant.
— Mais c’est délicieux ! s’exclama
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