Les chasseurs de mammouths
les proportions d’une
passion véritable.
Ayla lui accorda un léger sourire.
— Peut-être nous donneras-tu quelques indications sur la
manière de s’y prendre, quand Jondalar et toi vous nous montrerez le
lance-sagaie, suggéra Tulie.
— Oui, ça ne me déplairait pas de savoir me servir comme
toi d’une fronde, appuya Tornec, mais ce lance-sagaie m’a l’air vraiment
intéressant, s’il possède une précision raisonnable.
Ayla recula. Toutes ces questions, tous ces gens autour d’elle
la rendaient nerveuse.
— Lance-sagaie est précis... si main est précise, dit-elle.
Elle se rappelait avec quelle assiduité Jondalar et elle s’étaient
entraînés. Aucune arme n’était précise par elle-même.
— C’est toujours ainsi. La main et l’œil font l’artiste,
Ayla, dit Ranec.
Il lui prit la main, la regarda au fond des yeux.
— Sais-tu combien tu étais belle et gracieuse ? Tu es
une artiste, avec cette fronde.
Les yeux sombres qui plongeaient dans les siens l’obligeaient à
prendre conscience de son désir et arrachaient à la femme qu’elle était une
réaction aussi vieille que le monde. Mais, en même temps, les battements de son
cœur lui transmettaient un avertissement : cet homme n’était pas celui qui
devait l’émouvoir. Ce n’était pas l’homme qu’elle aimait. L’émotion que Ranec
éveillait en elle était indéniable mais d’une nature différente.
Non sans effort, elle détacha son regard du sien, chercha
frénétiquement Jondalar... et le trouva. Son regard était fixé sur le couple,
et ses yeux d’un bleu éclatant étaient pleins de feu, de glace et de
souffrance.
Ayla arracha sa main à celle de Ranec et recula. C’en était
trop. Les questions, l’empressement des membres du Camp, les émotions
incontrôlables qui l’assaillaient lui devenaient insupportables. Son estomac se
nouait, son cœur battait à grands coups, la gorge lui faisait mal. Il lui
fallait partir. Elle vit Whinney, et Rydag encore sur son dos. Sans même
réfléchir, elle se mit à courir vers la jument, ramassant au passage, de la
main qui tenait encore la fronde, le petit sac de pierres.
D’un bond, elle se retrouva à califourchon sur la jument, passa
autour de l’enfant un bras protecteur, se pencha en avant. Les signaux transmis
par la pression, par le mouvement, et la communication subtile, inexplicable
entre la femme et l’animal firent comprendre à Whinney son besoin de fuir. Elle
s’élança dans un galop effréné à travers la vaste plaine. Rapide la suivit,
maintenant sans effort le même train que sa mère.
Les gens du Camp du Lion en restèrent abasourdis. Pour la
plupart, ils n’avaient pas la moindre idée de la raison qui avait poussé Ayla à
enfourcher sa jument, et seuls quelques-uns l’avaient vue partir dans cette
course folle. La femme, avec cette longue chevelure blonde qui volait au vent
derrière elle, accrochée à l’encolure de la jument fougueuse, constituait un
spectacle surprenant, impressionnant, et nombreux étaient ceux qui auraient
volontiers changé de place avec Rydag. Nezzie sentit un instant son cœur se
pincer d’inquiétude pour l’enfant, mais, elle le savait, jamais Ayla ne lui
laisserait courir le moindre danger. Elle se rassura.
L’enfant ignorait pourquoi il bénéficiait de cette immense
faveur, mais ses yeux étincelaient de joie. La surexcitation faisait bien
battre son cœur un peu plus fort, mais, avec le bras d’Ayla autour de lui, il n’éprouvait
aucune crainte, rien d’autre que l’émerveillement de filer ainsi dans le vent.
La fuite loin du théâtre de sa détresse, le contact et le bruit
familiers de sa monture apaisèrent la jeune femme. Elle se détendit, prit alors
conscience des battements du cœur de Rydag contre son bras avec un rythme
particulier, un peu confus. Elle éprouva une inquiétude momentanée. Avait-elle
été imprudente en l’emmenant avec elle ? Mais le rythme, s’il était
anormal, n’était pas exceptionnellement précipité.
Elle ralentit l’allure de la jument, lui fit décrire un large
cercle pour reprendre le chemin du retour. En approchant du terrain de lancer,
ils passèrent près d’un couple de lagopèdes. Leur plumage tacheté n’avait pas
encore entièrement pris le blanc de l’hiver. Ils se cachaient dans les hautes
herbes, mais les chevaux les levèrent, et ils s’envolèrent. Mue par la force de
l’habitude, Ayla prépara sa fronde. En baissant les
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