Les chasseurs de mammouths
provoquée.
Du regard, elle chercha des cibles autour d’elle. Elle remarqua
les côtes de mammouth fichées en terre, les visa pour commencer. Le bruit sonore,
presque musical, des cailloux frappant l’os ne pouvait laisser aucun
doute : elle avait touché le but. Mais c’était trop facile. Elle promena
de nouveau son regard un peu partout, à la recherche d’une autre cible. Elle
était habituée à débusquer des oiseaux et de petits animaux à chasser, plutôt
qu’à jeter des pierres sur des os.
Jondalar savait qu’elle pouvait faire beaucoup mieux. Il se
remémora un après-midi de l’été précédent. Lui aussi regarda autour de lui,
avant de détacher du bout du pied quelques mottes de terre.
— Ayla ! appela-t-il.
Elle se retourna vers le terrain, vit Jondalar à quelque
distance, les jambes écartées, les mains aux hanches, une motte de terre en
équilibre sur chaque épaule. Elle fronça les sourcils. Il avait fait quelque
chose de semblable, un jour, avec deux pierres. Elle n’aimait pas le voir
prendre des risques. Les pierres d’une fronde pouvaient être fatales. Mais, en
y réfléchissant, elle dut s’avouer que le danger était plus apparent que réel.
Deux objets immobiles devraient constituer pour elle des cibles faciles.
Jamais, depuis des années, elle n’avait manqué son coup en semblables
circonstances. Pourquoi le manquerait-elle cette fois, simplement parce que c’était
un homme qui servait de support aux objets... l’homme qu’elle aimait ?
Elle ferma les yeux, reprit longuement son souffle, hocha de
nouveau la tête. Elle choisit deux pierres dans le sac ouvert à ses pieds,
rassembla les deux extrémités de la courroie de cuir, plaça l’une des pierres
dans la poche usée qui se trouvait au milieu, garda l’autre en réserve au creux
de sa main. Enfin, elle leva les yeux.
Un silence inquiet planait au-dessus des spectateurs, emplissait
le moindre espace entre eux. Personne ne parlait. Personne même ne respirait,
semblait-il.
Ayla concentrait toute son attention sur l’homme qui portait sur
ses épaules deux mottes de terre. Lorsqu’elle amorça son mouvement, le Camp
tout entier se pencha en avant. Avec la souplesse gracieuse, la subtilité des
gestes d’un chasseur entraîné, qui a appris à trahir le moins possible ses
intentions, la jeune femme fit tournoyer la fronde et lâcha son premier
projectile.
La première pierre n’avait pas encore atteint son but que, déjà,
elle préparait la seconde. La dure motte posée sur l’épaule droite de Jondalar explosa
sous le choc. Personne n’avait même vu Ayla lâcher son projectile quand la
seconde pierre suivit la première et, dans un nuage de poussière, pulvérisa l’autre
bloc de lœss d’un brun grisâtre. Tout s’était fait si vite que certains
spectateurs eurent l’impression d’avoir manqué le coup ou d’avoir été témoins d’un
tour de passe-passe.
Il s’agissait bien d’un tour, mais d’un tour d’habileté que peu
de gens auraient été capables d’égaler. Personne n’avait enseigné à Ayla le
maniement d’une fronde. Elle avait appris en observant en secret les hommes du
Clan de Brun, par tâtonnements, en s’entraînant avec persévérance. Elle avait
développé la technique de la double projection coup sur coup comme un moyen de
défense, le jour où ayant manqué son premier jet, elle avait échappé de
justesse au lynx qui allait se jeter sur elle. La plupart des gens auraient
prétendu que c’était impossible, mais elle l’ignorait : personne ne s’était
trouvé là pour le lui dire.
Elle n’en avait pas conscience, mais il y avait peu de chance
pour qu’elle rencontrât jamais quelqu’un qui pût égaler son adresse. Peu lui
importait, d’ailleurs. Se mesurer à un autre, pour voir qui était le plus fort,
n’avait pour elle aucun intérêt. Son seul désir de compétition s’exerçait
contre elle-même : elle souhaitait uniquement améliorer sa propre
habileté. Elle savait de quoi elle était capable. Quand lui venait l’idée d’une
nouvelle technique, elle tentait plusieurs approches et, quand elle en
découvrait une qui se révélait efficace, elle s’y exerçait jusqu’à la maîtrise
parfaite.
Dans toute activité humaine, quelques êtres, à force de
concentration ou d’entraînement, peuvent devenir assez habiles pour exceller
devant tous les autres. C’était le cas d’Ayla avec sa fronde.
Après un moment de silence, durant
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