Les chasseurs de mammouths
séjour dans le Clan. Jondalar avait façonné et aiguisé des pointes
en os. Les Chasseurs de Mammouths, apparemment, préféraient le silex.
Absorbée par l’observation approfondie de toutes les sagaies que
tenaient ces gens, Ayla faillit bien manquer le premier essai de Talut. Il
avait reculé de quelques pas, avant de prendre son élan en courant et de lancer
son arme avec une force exceptionnelle. La sagaie fila en sifflant devant tous
les assistants et toucha le sol avec un bruit sourd. La pointe avait presque
disparu dans la terre, la hampe vibrait sous l’effet du choc. Le Camp, éperdu d’admiration,
ne cacha pas sa réaction devant l’exploit de son chef. Jondalar lui-même était
surpris. Il s’était attendu à voir Talut lancer très loin son arme, mais le
géant avait largement dépassé son pronostic. Rien d’étonnant si ses propres
déclarations avaient été accueillies avec scepticisme.
Après avoir parcouru la distance d’un pas égal, afin d’évaluer l’effort
à produire pour le dépasser, Jondalar revint à la ligne de départ. Il plaça le
propulseur à l’horizontale, ajusta l’extrémité de la hampe de la sagaie dans la
rainure qui courait au long de l’instrument. Un trou avait été percé dans le
talon ; il y engagea le petit crochet qui dépassait du même côté de l’instrument.
Jondalar passa deux doigts dans les boucles de cuir qui se trouvaient à l’autre
bout, ce qui lui permettait de tenir à la fois le propulseur et la sagaie en
équilibre stable. Il visa la sagaie de Talut toujours plantée en terre, laissa
partir la sienne.
Quand l’extrémité du propulseur se releva, la longueur de son
bras y gagna soixante bons centimètres, tandis que cette force de levier venait
s’ajouter à la sienne. La sagaie fila devant tous les assistants et, à leur
grande stupeur, dépassa de beaucoup l’arme encore dressée de leur chef. Au lieu
de se loger dans le sol, elle tomba à plat, glissa encore sur une petite
distance. Avec son instrument, Jondalar avait doublé son propre lancer et, s’il
n’avait certainement pas doublé celui de Talut, il l’avait dépassé de loin.
Le Camp n’avait pas eu le temps de reprendre son souffle et de
mesurer la distance qui séparait les deux sagaies quand une troisième siffla
au-dessus du terrain. Stupéfaite, Tulie se retourna. Ayla se trouvait sur la
ligne de départ, le propulseur encore en main. Tulie tourna la tête juste à
temps pour voir la sagaie atteindre le sol. Ayla n’avait pas tout à fait égalé
le jet de Jondalar, mais elle avait battu le puissant effort de Talut. Le
visage de Tulie exprimait une incrédulité absolue.
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— Tu as une créance sur moi, Jondalar, déclara Tulie. Je t’aurais
peut-être, je dois le reconnaître, accordé une petite chance contre Talut mais
jamais je n’aurais cru que la femme parviendrait à le battre. J’aimerais voir
ce... comment l’appelles-tu ?
— Un lance-sagaie. Je ne sais pas quel autre nom lui
donner. L’idée m’en est venue un jour où je regardais Ayla tirer avec sa
fronde. Si seulement, me disais-je, je pouvais lancer une sagaie aussi loin,
aussi vite et avec autant de précision qu’elle lance une pierre avec sa
fronde... Je me suis mis alors à réfléchir à la manière d’y parvenir.
— Tu m’as déjà parlé de son talent. Est-elle vraiment si
habile ? demanda Tulie.
Jondalar sourit.
— Ayla, si tu allais chercher ta fronde pour montrer à
Tulie ce dont tu es capable ?
L’hésitation plissa le front de la jeune femme. Elle n’avait pas
l’habitude des démonstrations en public. Elle avait perfectionné son
entraînement en cachette et, quand enfin on l’avait à regret autorisée à
chasser, elle était toujours sortie seule. Le Clan, comme elle-même, aurait été
gêné de la voir utiliser une arme de chasse. Jondalar était le premier qui l’eût
jamais accompagnée, le premier à l’avoir vue faire preuve de son habileté... Un
moment, elle dévisagea l’homme qui lui souriait. Il était détendu, confiant.
Aucun signe chez lui ne lui disait qu’il voulait la voir refuser.
Elle hocha la tête, s’éloigna pour aller reprendre la fronde et
le petit sac de pierres qu’elle avait confiés à Rydag quand elle avait décidé
de prendre part au lancer de sagaie. Penchée sur Whinney, l’enfant lui
sourit : il avait l’impression d’avoir participé à toute l’affaire et il
était enchanté de la stupeur qu’Ayla avait
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