Les chasseurs de mammouths
couteau. Il n’était
pas fait pour un travail de force mais servait uniquement à trancher de la
viande et du cuir. Ayla avait appris à s’en servir depuis son arrivée. Elle le
trouvait très commode.
Elle avait toujours fait cuire les lagopèdes dans un trou
tapissé de pierres. Elle y allumait un feu, le laissait brûler jusqu’au bout,
avant de placer les animaux dans le trou et de les recouvrir. Mais on avait
peine à trouver de grosses pierres dans les environs. Elle avait donc décidé d’adapter
à ses propres besoins la technique de cuisson du ragoût. Ce n’était pas la bonne
saison pour les herbes qu’elle aimait utiliser – du pas-d’âne, de l’ortie,
de l’ansérine – et pour les œufs de lagopèdes, dont elle aurait aimé
farcir les oiseaux. Mais certaines des herbes contenues dans son sac de
guérisseuse, si on les employait en petites quantités, étaient aussi bonnes
pour l’assaisonnement que pour les remèdes, et le foin dont elle enveloppait
les grues allait leur prêter une saveur subtile très particulière. Quand elle
en aurait fini, le plat ne serait peut-être plus celui qu’avait préféré Creb,
mais il serait bon, se disait-elle.
Lorsqu’elle eut fini de nettoyer les oiseaux, elle retrouva
Nezzie qui allumait un feu.
— Voudrais cuire lagopèdes dans trou, comme tu cuis ragoût
dans trou. Peux avoir braises ? demanda Ayla.
— Bien sûr. As-tu besoin d’autre chose ?
— J’ai herbes séchées. Aime légumes frais dans oiseaux.
Mauvaise saison.
— Va voir dans la réserve. Il y a quelques autres légumes
dont tu as peut-être envie, et nous avons aussi du sel, proposa Nezzie.
Du sel, pensa la jeune femme. Elle n’avait pas mis de sel dans
sa cuisine depuis son départ du Clan.
— Oui, aimerais sel. Peut-être légumes. Vais voir. Où
trouve braises ?
— Je t’en donnerai un peu, dès que ce feu aura pris.
Ayla regarda Nezzie alimenter son feu, d’abord sans y prêter
grande attention. Mais elle fut assez vite intriguée. Les Mamutoï, elle le
savait sans jamais y avoir vraiment réfléchi, n’avaient pas beaucoup d’arbres.
Ils se servaient d’os comme combustible, et l’os ne brûle pas facilement.
Nezzie avait emprunté à un autre foyer une braise, avec laquelle elle avait
enflammé le duvet de certaines gousses qu’on recueillait pour en faire des
mèches. Elle ajouta un peu de bouse séchée qui produisait une flamme plus vive
et plus chaude et, ensuite, des copeaux et des éclats d’os, qui avaient du mal
à prendre.
Nezzie soufflait sur le feu pour l’attiser. En même temps, elle
actionnait une sorte de petite poignée qu’Ayla n’avait pas encore remarquée. La
jeune femme perçut un léger sifflement d’air, vit des cendres s’envoler. Le feu
s’aviva. Sous l’effet des flammes plus brûlantes, les éclats d’os commencèrent
à roussir sur les bords, avant de s’enflammer à leur tour. Sur quoi, Ayla prit
soudain conscience de la source d’un phénomène qui la tracassait depuis son
arrivée au Camp du Lion, sans qu’elle l’eût vraiment remarqué. L’odeur de la
fumée était anormale.
Il lui était arrivé de brûler de la bouse séchée, et elle en
connaissait bien la forte et pénétrante odeur. Mais elle s’était surtout servie
de combustible d’origine végétale : elle était accoutumée à l’odeur de la
fumée de bois. Le combustible qu’utilisait le Camp du Lion était d’origine
animale. L’odeur de l’os qui brûlait avait un caractère bien différent :
elle rappelait celle d’un rôti laissé trop longtemps au feu. Mêlée à celle de
la bouse séchée, dont ces gens se servaient aussi par grandes quantités, elle
saturait tout le campement d’exhalaisons très particulières. Ce n’était pas
vraiment déplaisant, mais Ayla n’y était pas accoutumée, ce qui la mettait mal
à l’aise. Maintenant qu’elle en avait identifié la cause, elle se sentait
soulagée d’une certaine tension indéfinissable.
Elle sourit en regardant Nezzie ajouter encore des éclats d’os
et ajuster la poignée, ce qui aviva le feu.
— Comment tu fais ? demanda-t-elle. Feu brûler plus
fort ?
— Le feu a besoin de respirer, comme nous, et le vent est
la respiration du feu. La Mère nous a enseigné cela quand Elle a fait des
femmes les gardiennes du feu. Tu le vois bien : quand tu donnes ton
souffle au feu, quand tu souffles dessus, il brûle mieux. Pour amener le vent,
nous creusons une
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