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Les chemins de la bête

Les chemins de la bête

Titel: Les chemins de la bête Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Andrea H. Japp
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aride, fonçant en
direction de la chênaie qui s’étendait sur des lieues pour se terminer non loin
d’Authon-du-Perche.
    Lorsqu’ils eurent rejoint la relative sécurité de la futaie,
ils ralentirent l’allure, se reposant un instant afin de reprendre leur
souffle :
    — Pourquoi qu’on est partis vers la forêt, l’Anguille ?
C’est pas par là que le Jules a disparu avant l’arrivée du maître ?
demanda le plus âgé à l’autre.
    — J’en sais foutre rien. Fallait bien courir dans un
sens. Alors celui-là ou un autre... sans quoi, c’était nous qu’on prenait la
raclée.
    — Tu sais où il est le Jules, toi ?
    — Non, et je m’en fous, rétorqua l’Anguille. N’empêche
qu’il ira pas loin. L’autre est fou comme une grive qu’a trop picolé et mauvais
comme la gale.
    — Qu’est-ce qui se passe avec cette foutue mine ?
Pourtant, c’est pas faute d’avoir pioché... Je sens plus mes jambes, ni mes
épaules.
    L’Anguille haussa les épaules avant de déclarer :
    — Elle est à sec, sa mine de malheur. Le Jules lui a
expliqué, mais y a rien à faire, y veut pas l’admettre. Elle vaut plus un rat
crevé, et surtout pas la peine qu’on se donne. Il pourrait pleurer toutes les
larmes de son corps qu’il en tirerait plus que de la poussière.
    — C’est qu’elle leur en a ramené des sacs de joli or,
et depuis au moins trois générations. Pense donc, c’est un rude coup pour le
maître. Ça, y doit l’avoir saumâtre !
    — Ouais ? Ben ça lui passera avant que ça me
reprenne. Parce que tu vois, cette foutue mine... si elle lui a rapporté des
sacs d’or, moi, nous, elle nous a surtout valu des peines de membres, des coups
de fouet et des estomacs vides. Allez, enfonçons-nous encore un peu, et puis on
piquera un petit somme. On dira qu’on l’a pas retrouvé, le Jules.
    — Mais, c’est menterie.
    L’Anguille le considéra, consterné par sa naïveté, avant de
le rassurer d’un :
    — Si tu lui dis pas, il pourra pas le savoir.

 
     
Chypre, mai 1304
    Ce confus cauchemar. Francesco de Leone se redressa d’un
élan sur son matelas de paille. La sueur trempait sa chemise. Il s’efforça de
calmer l’anarchie de son cœur, inspirant avec lenteur. Ne surtout pas se
rendormir, de peur que le rêve ne persiste.
    Pourtant, le chevalier hospitalier* de justice et de grâce [18] , vivait depuis si longtemps avec
cette interminable crainte qu’il en venait parfois à redouter qu’elle
disparaisse. Le cauchemar, plutôt une sorte de rêve pesant, sans jamais de
conclusion, commençait toujours de la même façon. L’écho d’un pas sur des
dalles de pierre, son pas. Il avançait le long du déambulatoire d’une église,
frôlant le jubé qui protégeait le chœur, profitant de la clarté qui filtrait du
dôme pour fouiller les ombres qui s’amassaient derrière les piliers. De quelle
église s’agissait-il ? La rotonde lui évoquait le Saint-Sépulcre de
Jérusalem, ou même l’impertinence architecturale du dôme de la basilique
Sainte-Sophie de Constantinople. Peut-être Santa Costanza de Rome, l’église
qui, selon lui, ouvrait vers la Lumière. Quelle importance ? Dans le rêve,
il savait exactement ce qu’il cherchait entre ces murs massifs de pierres
rosées. Il tentait de rejoindre la silhouette qui se déplaçait en silence, à
peine trahie par le froissement d’une étoffe, une silhouette de femme, une
femme qui se dérobait. C’était à ce moment-là qu’il comprenait qu’il avait pris
la femme en chasse, ce que le plan centré à chœur de l’église rendait ardu. La
silhouette tournait avec lui, le précédant toujours de quelques pas, semblant
anticiper ses mouvements, longeant le déambulatoire extérieur pendant qu’il
suivait l’intérieur. La main de Francesco de Leone descendait doucement vers le
pommeau de son épée, cependant, une tendresse dévastatrice lui faisait monter
les larmes aux yeux. Pourquoi poursuivait-il cette femme ? Qui
était-elle ? Existait-elle vraiment ?
    Il soupira bouche ouverte, tendu et pourtant agacé. Il faut
être une vieille femme pour penser que les rêves sont toujours des
prémonitions. Pourtant, il avait rêvé de la mort de sa mère et de sa sœur, pour
découvrir leurs cadavres peu après.
    Il leva le regard vers la mince meurtrière qui ouvrait vers
le ciel. L’odorante nuit chypriote ne l’apaisa pas. Il avait connu tant de
lieux, tant d’êtres, qu’il se souvenait à peine

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