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Les chemins de la bête

Les chemins de la bête

Titel: Les chemins de la bête Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Andrea H. Japp
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qu’il
serait parfois visité par des créatures... malfaisantes.
    — Des fées et des loups-garous ? Sornettes que
tout cela, madame.
    — Tu ne crois pas à l’existence des loups-garous ?
    — Non, et pas davantage à celle des fées.
    — Comment se peut-il ?
    — Parce que, madame, s’ils existaient et qu’ils
disposent d’une telle puissance, au pire ils nous auraient déjà exterminés ou
dévorés, au mieux, notre vie serait un calvaire quotidien.
    Il sourit et elle se fit l’étrange réflexion qu’il ne se
laissait aller à ces manifestations de bonheur ou d’amusement qu’en sa seule
présence. Les relations de Clément avec Mathilde se cantonnaient à une
affabilité serviable de la part du premier et à une arrogance agacée de la part
de la seconde. Il est vrai que sa fille le considérait un peu comme un domestique
privilégié et qu’elle n’eut, pour rien au monde, condescendu à le traiter comme
un égal.
    Elle rit en déclarant :
    — Ma foi, tu es assez convaincant. Voilà qui me soulage
d’un grand poids. J’aurais détesté me retrouver nez à nez avec un loup-garou.
(Redevenant grave, elle s’inquiéta :) Prends-tu bien garde à ce dont nous
avons discuté ? Personne ne doit l’apprendre, Clément. Il y va de ta
sécurité... de la mienne aussi.
    — Je le sais madame, et depuis longtemps. Vous auriez
tort de vous tourmenter à ce sujet.
    Ils poursuivirent leur inspection en silence.
    Le village de Souarcy était juché en haut d’une motte. Des
ruelles bordées de maisons montaient à l’assaut du manoir en serpentant de
façon bien mal aisée, au point que les charrettes de foin devaient faire preuve
d’une grande habileté pour ne pas écorner le toit des bâtisses au détour d’un
nouveau méandre. Nulle imagination particulière n’avait présidé à ce semis
d’habitations, pourtant, on eut dit qu’elles s’étaient tassées les unes contre
les autres en bord de rues comme pour se rassurer. Souarcy, à l’instar des
autres manoirs, n’avait pas droit d’armement. À l’époque de sa construction,
lorsque la menace anglaise pesait lourdement sur la région, le seul recours
avait été la défense, expliquant cette situation surélevée et enchâssée dans la
forêt. De fait, les épaisses murailles d’enceinte au creux desquelles s’était
nichée une population de paysans, de serfs et de petits artisans, avaient
résisté avec une calme insolence à bien des assauts.
    Agnès répondit d’un sourire mécanique aux saluts et aux
révérences de ceux qu’elle croisait, remontant en direction du manoir les
sentes boueuses d’une argile jaune détrempée par les récentes pluies. Elle
visita le pigeonnier, n’y trouvant pas le petit bonheur qu’il lui procurait
d’habitude. Eudes, ses probables machinations, ne lui quittaient pas l’esprit.
Ses magnifiques oiseaux l’accueillirent pourtant d’une cascade de roucoulements
tendres et énervés. Elle frôla du regard ce grand mâle insolent dont la parade
conquérante la faisait toujours rire. Pas aujourd’hui. Elle l’avait baptisé
Vigil, l’Éveillé, car il aimait à se percher dès l’aube à l’aplomb de la poutre
faîtière du toit du manoir pour y roucouler en surveillant l’installation du
jour. C’était le seul des volatiles qui eut un nom. Encore un cadeau de son
demi-frère, qui lui avait rapporté l’animal de Normandie l’année passée afin
qu’il régénère son pigeonnier. Il tendit vers elle un cou musclé, d’un rose
sombre nuancé de mauve. Elle le flatta d’une caresse rapide puis repartit.
    Ce n’est qu’une fois de retour dans la grande salle du
manoir qu’elle se rendit compte que Clément avait habilement fait dévier la
conversation. Trop tard : l’enfant avait encore disparu. Elle devrait
attendre encore pour se faire expliquer la nature des occupations qui le
tenaient de plus en plus souvent éloigné du manoir.
    Eudes, lui aussi, était épuisé. Il n’avait dormi qu’une
heure entre les cuisses de Mabile. C’est qu’elle ne donnait pas sa part de
plaisir aux chiens, la ribaude. Heureusement, car la moisson de menus riens
qu’elle avait récoltés au service d’Agnès n’avait pas grand intérêt pour son
maître. À défaut de parvenir à cerner la maîtresse, il avait culbuté la
servante. Piètre dédommagement pour ce beau coupon de soie et ce doigt de sucre
qui à eux seuls lui avaient coûté une fortune, mais il s’en contenterait

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