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Les chemins de la bête

Les chemins de la bête

Titel: Les chemins de la bête Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Andrea H. Japp
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Philippe de renverser l’autorité
suprême détenue par l’Église sur tous les souverains chrétiens.
    Le chevalier de Leone avait recouvré un peu de son calme. Il
se sentait si loin de cette île refuge. Il était déjà là-bas, le seul endroit
d’où puisse repartir sa quête.
    — Quelles indications matérielles pouvez-vous me donner
qui m’aideraient à..., commença-t-il avant d’être interrompu par Arnaud de
Viancourt.
    — Nous avançons au cœur du brouillard, mon frère. Tout
pronostic de ma part serait une ânerie dangereuse.
    — Mes armes, mes pouvoirs, alors ?
    Le prieur sembla hésiter, puis déclara d’un ton dont la
soudaine sécheresse n’étonna pas le chevalier :
    — Nous vous en laissons le choix, pourvu qu’ils servent
le Christ, le pape et... notre ordre.
    S’il ne l’avait déjà compris, cette seule déclaration
l’aurait renseigné. L’ordre de l’Hôpital, à l’instar des autres, était
strictement hiérarchisé, et les initiatives individuelles découragées. La
totale liberté qui lui était accordée était aisée à traduire : ils
affrontaient sans doute la crise la plus destructrice qu’ait jamais connue leur
ordre depuis sa reconnaissance, près de deux siècles auparavant.
    — Ma mission sera-t-elle consignée ?
    — Auriez-vous peur, Francesco ? Je ne peux le
croire. Non, vous connaissez notre méfiance pour les traces écrites. Pour
preuve le fait que nous n’ayons senti le besoin de faire colliger l’ensemble de
nos textes fondateurs par l’un des nôtres — Guillaume de Saint-Estène
 – que fort récemment. Quant à notre règle, il n’en existe que quelques
exemplaires manuscrits et ils ne doivent jamais circuler à l’extérieur ou être
copiés, ainsi que vous le savez. Auriez-vous peur ? répéta le prieur.
    — Non, murmura Francesco de Leone, et un sourire lui
vint. Le premier depuis ce tôt matin.
    La vraie peur viendrait après, il le savait. Pour l’instant,
une tension déraisonnable le brisait, et pour un peu, il se serait laissé
tomber à genoux dans la terre poussiéreuse pour prier, peut-être même pour
hurler.
    Les dernières heures du jour s’attardaient vers l’ouest.
Francesco de Leone s’était abruti de travail durant toute la journée, sautant
les deux repas pour un jeûne confidentiel. Il avait aidé aux soins de
« nos seigneurs les malades » - l’un des engagements de l’ordre de
l’Hôpital et sa particularité par rapport aux autres ordres guerriers  –
et à la formation aux armes des novices récemment admis. La chaleur et
l’épuisement physique lui avaient apporté un éphémère soulagement.
    Se pouvait-il que Benoît décède ? Se pouvait-il que
tout se noue maintenant ? Se pouvait-il qu’après quatre longues années de
quête aussi discrète et obstinée qu’infructueuse, une menace politique lui
permette enfin de pousser une porte, jusqu’alors dissimulée ? Certes, une
complexe mission justifiait son voyage. Pourtant, la coïncidence lui paraissait
trop énorme pour n’être que fortuite. Un signe. Il avait tant attendu le Signe.
Il allait rejoindre ce pays de France dans lequel l’Ineffable Trace
ressurgissait, fort des pleins pouvoirs concédés par le prieur, donc le grand
maître. Il allait y découvrir enfin, peut-être, le sens de cette Lumière qui
l’avait inondé durant un éphémère et divin instant au cœur de Santa Costanza de
Rome.
    Un frisson d’angoisse le parcourut comme une fièvre. Et s’il
s’agissait, au contraire, d’un autre leurre, d’une autre meurtrière
déception ? Aurait-il encore la force de poursuivre ?
    Ce choix-là non plus n’était pas le sien.
    Hoc quicumque stolam sanguine proluit, absergit maculas,
et roseum decus, quo fiat similis protinus Angelis [22] .

 
     
Chartres, mai 1304
    La nuit tombait sans hâte. Les rues s’étaient
progressivement vidées de leur animation. Le souper était proche. La silhouette
enjamba l’amoncellement de détritus qui encombrait le caniveau central et
obliqua à droite pour rejoindre la rue du Cygne.
    L’odeur âcre et désagréable qui flottait dans l’air
signalait mieux la taverne que n’eut pu le faire une enseigne. Il s’agissait
d’un de ces établissements où se regroupaient au soir les ouvriers et les
artisans d’une corporation, celle des tanneurs et des corroyeurs [23] dans ce cas. Si certains
prédicateurs acerbes les avaient qualifiés de « moutiers du

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