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Les chemins de la bête

Les chemins de la bête

Titel: Les chemins de la bête Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Andrea H. Japp
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comme un sac
dans la pièce. Une main sans douceur le remit sur pieds en le tirant par
l’oreille :
    — Que fais-tu ici ? Tu nous espionnes ?
    — Non, messire. Non, non...
    Clément destina un regard de panique à Agnès. Artus pouvait
décider de le fouetter au sang si bon lui semblait. Une dérobade était
impossible. La dame de Souarcy réfléchissait à toute vitesse.
    — Clément... Approche, mon doux.
    — C’est l’un de vos gens ?
    — Le meilleur d’entre eux. Mon homme de garde. Il vous
surveillait afin de s’assurer que sa dame ne courait nul péril.
    — Il est bien petit pour faire un homme de garde
dissuasif.
    — Certes, mais il est valeureux.
    — Et qu’aurais-tu fait, si de mauvaises intentions m’avaient
jeté sur ta dame, mon garçon ?
    Clément sortit le couteau à dépecer qu’il portait toujours
sur lui et déclara avec le plus grand sérieux :
    — Je vous aurais tué, monseigneur.
    Un éclat de rire secoua le comte. Entre deux hoquets joyeux,
il déclara pourtant :
    — Sais-tu, jeune homme, que je t’en crois
capable ? Va te coucher, il n’arrivera rien de fâcheux à ta dame, sur mon
honneur.
    Clément fixa Agnès, qui acquiesça d’un léger signe de tête.
Il disparut comme par enchantement.
    — Vous provoquez, madame, de belles dévotions.
    — C’est encore un enfant.
    — Qui m’aurait lardé de coups de couteau s’il l’avait
fallu, j’en suis certain.
    Une déroutante pensée le traversa. Cette femme valait que
l’on risque sa vie pour la protéger.
    Mabile pénétra à cet instant dans la salle, une lueur de
curiosité éclairant son regard :
    — Mille pardons... Il m’a semblé que vous aviez besoin
d’aide, madame.
    — Si fait... Nous attendons le troisième service,
rétorqua Agnès d’une voix trop sèche.
    La fille baissa les yeux, pas assez vite toutefois pour que
la dame de Souarcy n’y détecte le venin.
    Le plat de rissoles aux fruits et aux noix qui constituait
l’entremets ne tarda pas à apparaître. Mabile s’était recomposé un visage un
peu plus avenant. Pourtant, Agnès allait devoir en finir avec cette fille et
avec la mascarade qu’elles se jouaient depuis des mois, et cette perspective
l’alarmait. Jusque-là, elle était parvenue à manipuler Eudes en simulant
l’admiration et la confiance. L’incident du pigeon venait de saper cette
tactique qui, pour sournoise qu’elle était, n’en avait pas moins été efficace
durant des années. La guerre larvée qui l’opposait à son demi-frère allait
exploser en pleine clarté, et elle n’était pas armée pour y faire face. Elle se
serait battue : elle avait agi avec précipitation, de façon bien sotte, en
exigeant qu’on lui remette le pigeon mort porteur d’un message. Si elle s’en
était abstenue, elle aurait encore pu feindre quelque temps d’ignorer les
véritables menées d’Eudes. L’arrivée miraculeuse du comte Artus, son évident
plaisir à cette soirée, ajoutaient à son courroux envers elle-même. Si elle
avait disposé d’un peu plus de temps, il aurait pu devenir un allié de poids.
Sa hâtive colère envers cette fille avait tout gâché. Agnès fit taire son
appréhension.
    Une épaisse crème de cerises au vin servie sur des gaufres
constituait l’issue.
    — Vous me régalez d’un véritable festin, madame.
    — Bien modeste pour un seigneur de votre qualité.
    Il s’étonna de cette courtoisie convenue dans sa bouche,
mais en comprit la cause en levant le regard vers la jeune fille qui les
servait. Il ne s’agissait plus de la déplaisante face de carême qu’il avait vue
jusque-là, mais d’une adolescente un peu lourde et empêtrée dans ses gestes.
    — Adeline, tu prépareras la chambre de maître, celle de
l’aile Sud, pour monseigneur d’Authon.
    La gamine bredouilla un acquiescement et se précipita hors
de la salle après une révérence maladroite.
    — Elle n’est pas très finaude, mais elle est fiable,
l’excusa Agnès.
    — Contrairement à cette Mabile, n’est-ce pas ?
    Agnès lui répondit d’un sourire vague.
    — Je m’en veux, madame, de vous imposer ce tracas. Ma
visite a trop duré, j’en ai peur. Je repartirai demain à l’aube. Accordez-moi,
je vous en supplie, la grâce de ne pas vous déranger pour accompagner mon
départ. L’un de vos valets sellera mon cheval.
    — Et moi, je vous sais gré de la rare et trop courte
distraction que vous m’avez offerte. Les soirées sont fort

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