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Les chemins de la bête

Les chemins de la bête

Titel: Les chemins de la bête Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Andrea H. Japp
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longues à Souarcy,
et d’un pesant ennui que votre présence a fait fuir.
    Il la fixa, souhaitant que l’habile formule soit davantage
que la marque d’une exquise politesse.
    Moins d’une heure plus tard, il était installé dans ses
appartements, l’ancienne chambre d’Hugues de Souarcy, qu’Adeline avait préparée
avec un soin maniaque, allant jusqu’à lancer un feu dans la cheminée, en dépit
de la chaleur de la nuit. Il s’approcha des esconces [67] de métal qui protégeaient les
flammes des cierges afin de les souffler. Leur nombre prouvait qu’ils avaient
été allumés en son honneur. Un bien grand luxe pour une demeure de train
modeste, car même si les ruches fournissaient de la cire, Agnès la vendait
probablement plutôt que de l’utiliser. Il s’allongea sur le lit, se
débarrassant juste de son surcot sans prendre la peine de se dévêtir, ni même
d’ôter ses chausses, et resta yeux grands ouverts, fixant l’obscurité.
    Artus s’avouait désorienté. Ce qui n’avait été que curiosité
de sa part s’était transformé de bien étrange manière. Du coup, il avait oublié
jusqu’à ces meurtres hideux.
    Admettons, la dame lui plaisait fort, et ce genre d’attrait
était devenu assez rare dans son existence pour qu’il s’en inquiétât, s’en
émerveillât aussi. Fallait-il que sa vie fût vide pour que la dame de Souarcy
l’envahisse si aisément. Certes, sa vie était devenue un désert... au
demeurant, sans doute l’avait-elle toujours été. Un désert meublé d’obligations
diverses, occupé d’intérêts qui lui permettaient d’oublier la désespérante
lenteur des heures. Et voilà qu’une petite huitaine de ces mêmes heures venait
de s’écouler depuis son arrivée sans qu’il s’en aperçoive. Le temps avait en
une seule soirée retrouvé son urgence. Cette dame venait d’en découdre avec
l’ennui d’Artus et, pire, l’habitude qu’il avait prise de l’ennui. Prompte
victoire que la sienne, pourtant, elle ne s’en doutait pas.
    Il se méprenait. Agnès avait parfaitement mesuré le chemin
parcouru au cours de ce repas. Si elle s’en félicitait, elle était assez lucide
pour savoir qu’il ne s’agissait là que d’une bataille remportée, et que la
guerre restait à faire.
    Elle remontait vers sa chambre après avoir donné ses ordres
pour le réveil du comte, prétendant ne pas s’apercevoir de l’absence de Mabile
en cuisines. La malfaisante avait-elle fui pour trouver refuge chez son ancien
maître ? Billevesées : pas en pleine nuit et à pied.
    La lueur d’une lampe à huile l’arrêta en haut des marches de
pierre.
    Un murmure :
    — Madame...
    — Tu n’es pas encore assoupi, Clément ?
    — Je vous attendais.
    Il la précéda dans sa chambre éclairée par la parcimonieuse
clarté de quelques chandelles de suif. On réservait les torches de résineux aux
longs couloirs de pierres nues ou aux vastes salles, tant elles noircissaient
les murs.
    — Quelque chose de grave est-il survenu ? s’enquit
Agnès après avoir refermé le lourd panneau de la porte.
    — Si l’on veut. Le pigeon et son message ont disparu de
votre chambre durant la soirée.
    — Mais tu l’avais emmené avec toi vers tes combles,
protesta la dame.
    — Le temps de recopier le message. J’ai ensuite enroulé
avec soin la bandelette de papier autour de la patte du volatile et l’ai redescendu
chez vous. Je l’ai posé sur votre table d’atours.
    — Tu savais qu’elle le subtiliserait, n’est-ce
pas ? Voilà qui explique son absence entre les services.
    — J’aurais peu risqué à le parier, rétorqua le garçon.
Nous ne sommes pas prêts à rompre en visière [68] avec le baron, madame. Mabile n’est pas certaine que vous ayez remarqué le
message ou, pis, que vous soupçonniez qu’il émane d’elle. Elle choisira de ne
pas y croire parce que cet aveuglement l’arrange. Sans cela, elle devrait
avouer l’échec de leur plan à son maître, et il ne l’en complimenterait pas.
Nous devons gagner encore un peu de temps pour nous préparer à
l’affrontement... surtout après la visite inopinée du comte.
    Agnès ferma les yeux de soulagement et se baissa pour serrer
l’enfant contre elle.
    — Que ferais-je sans toi ?
    — Je serais mort sans vous, je mourrais sans vous,
madame.
    — Alors, employons-nous à vivre tous les deux, mon
Clément.
    Elle déposa un baiser sur son front et le regarda quitter
sans bruit sa chambre, les

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