Les chevaliers du royaume
Guillaume et Morgennes à entrer dans une profonde galerie aux allures de cathédrale. Des chandelles brûlaient à chaque pilier devant un miroir qui renvoyait leur lumière en la multipliant. C’était un lieu si fantastique que Morgennes se demanda quelle sorte de Dieu y était adoré.
— Où voulez-vous aller ? demanda Yemba.
— Dans un premier temps, répondit Guillaume, j’aimerais le conduire à l’arbre. Ensuite nous irons à la mine. Que ses amis nous y retrouvent, ils sortiront par le passage secret.
— Entendu, fit le moine… Je m’en vais prévenir les Moniales, afin qu’elles aillent chercher vos amis…
Sur ce, Yemba se remit à mâchonner sa racine, et disparut derrière un rideau ; ils entendirent son rire résonner pendant quelque temps encore.
Guillaume poursuivit sa route. Le tunnel semblait se prolonger bien au-delà des murs du temple tels qu’on les voyait depuis l’extérieur, s’enfonçant sous la surface du désert. Ils croisèrent d’autres moines à la peau sombre, qui s’en allaient prier en marmonnant. Morgennes les trouvait effrayants. Dans leur tenue foncée, ils ressemblaient à des fétiches. L’un d’eux, qui portait une cruche et un pain, les frôla de si près que Morgennes crut voir un démon.
— Il lui apporte à manger, expliqua Guillaume…
— À qui ?
— À l’Emmurée…
— Qui est-ce ?
— C’est la plus vieille et la plus respectée des femmes de l’oasis. Sa peau est si fripée qu’elle refuse de sortir de sa chambre. D’ailleurs, elle a demandé à y être enfermée. On lui donne à manger par une ouverture pratiquée dans le mur monté devant sa porte et par laquelle on récupère le seau de ses humeurs. Parfois – de façon complètement imprévisible – un oracle lui échappe…
— Comme celui de l’âne, du cheval, de l’oiseau et du chien…
— Tout à fait, acquiesça Guillaume.
— Mais je ne comprends pas : si l’âne et le cheval sont Massada et Taqi, l’oiseau et le chien, Cassiopée et Yahyah, qui est le mort ?
— Vous, peut-être ? suggéra Guillaume.
— C’est bien ce qui me fait peur.
— Il peut également s’agir de Simon ou de Rufinus, allez savoir… Ce n’est jamais qu’un symbole. Le mort, de toute façon, c’est probablement le Christ, représenté par la Vraie Croix. Et vous n’êtes pas plus le Christ que Massada n’est un âne, Taqi un cheval, Cassiopée un oiseau ou Yahyah un chien…
Morgennes sourit. Ils étaient arrivés à une porte si haute qu’elle disparaissait dans la voussure du corridor.
— Nous y voici, annonça Guillaume.
D’une main, il poussa le battant droit, qui n’avait ni loquet ni poignée.
— Après vous.
C’était une salle immense, illuminée par des centaines de cierges brûlant sur de grands candélabres d’or. Elle était coiffée d’un dôme percé d’une unique ouverture par où coulaient un rai de lune et un mince filet d’eau. Les murs étaient couverts de mosaïques à demi mangées par le lierre.
Le plus surprenant, c’était les trois longs câbles métalliques qui descendaient du plafond et retenaient par la base et chacune des extrémités de son patibulum une grande croix de bois. Elle pendait au-dessus d’eux, presque à l’horizontale, à la façon d’un homme se jetant dans le vide.
Morgennes en fut abasourdi.
Cette croix ressemblait en tous points à celle qu’ils avaient récupérée à Hattin, si ce n’est qu’elle était entière, patibulum et poteau compris.
Il en émanait une lumière étrange, semblable à celle des auréoles que les peintres mettent parfois au-dessus, ou autour, de la tête des saints dont ils font le portrait. Enfin, un calme extraordinaire régnait ici. Il n’y avait pas de doute, c’était la Vraie Croix.
Morgennes tomba à genoux et se mit à pleurer. Guillaume lui mit la main sur l’épaule :
— J’ai éprouvé la même chose la première fois que je l’ai vue…
— C’est bien elle ?
— À vrai dire, soupira Guillaume, je n’en sais rien. Mais j’aime à penser que oui… Regardez…
Avec sa torche, il se dirigea vers le mur à gauche de l’entrée, et éclaira une première mosaïque. On y voyait, présenté de façon primitive, le Christ portant sa croix, aidé de Simon de Cyrène. La scène suivante le montrait crucifié. Sur une autre, il était représenté sur la pierre de l’onction peu après sa déposition de croix, et ainsi de suite. Tout le
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