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Les chevaliers du royaume

Les chevaliers du royaume

Titel: Les chevaliers du royaume Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: David Camus
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avait sauvé la vie en donnant – malgré elle – ses bijoux pour le racheter, à Damas.
    — « Dis à mes sœurs que je regrette de les avoir quittées » furent ses derniers mots, murmura Morgennes. Je n’avais pas compris alors à qui s’adressaient ces paroles. Maintenant, je sais…
    — Fémie était la plus belle de nos sœurs, dit la reine. Elle a quitté notre demeure pour s’en aller à l’aventure, avec ce Massada – dont elle s’était inexplicablement éprise. Pourtant, elle l’avait mis en garde – et ce qu’elle redoutait plus que tout arriva : loin de cette oasis, sa beauté s’envola ; et avec elle l’amour de son mari. Au fur et à mesure que les années – que les herbes dont elle se nourrissait ici tenaient auparavant éloignées d’elle – la rattrapaient, Massada se déprenait de Fémie ; ce qui la plongea dans un plus grand malheur encore.
    — Elle aurait pu revenir, dit Morgennes.
    — Pour ajouter à sa souffrance ? Mais, bien sûr, tu ne peux pas savoir ce que c’est que d’avoir été la plus belle d’une communauté et d’y revenir la plus laide… Non, Fémie nous avait quittées pour l’amour, et cet amour l’a perdue, comme il nous perd aujourd’hui…
    — Je suis désolé, murmura Morgennes.
    — Tu n’y es pour rien. Mais je tiens à ce que tu saches ce que représente ce médaillon. Il est la beauté fanée de Fémie, il est sa vie perdue, son amour impossible, sa malédiction. Notre perte.
    Morgennes posa la main sur son médaillon :
    — Le voulez-vous ?
    — Oui.
    Morgennes détacha délicatement le collier de son cou et le déposa pieusement dans la main de la reine ; une paume parfaite, lisse comme un œuf, douce comme une peau de bébé. D’une certaine façon, Fémie était rentrée chez elle.
    — Porte-le à sa sœur, décréta Zénobie à l’une de ses gardes, qui s’inclina, prit le collier et partit aussitôt.
    — Maintenant, reprit la reine, va rejoindre Guillaume. Il t’attend. Ce que tu vas voir, conserves-en pour l’instant le secret. Nous l’avons préservé pendant plus de cinq siècles. Un jour, tu voudras sans doute le transmettre. Choisis bien alors à qui tu le confieras. Que Dieu te garde ! conclut la reine.
    — Que Dieu vous garde aussi, murmura Morgennes.
    Puis il quitta la salle du palais semi-souterrain, dont les colonnes et le style évoquaient une époque plus ancienne encore que la Grèce antique.
    La nuit était douce, tiède, riche d’odeurs délicieuses qui embaumaient l’air et donnaient à l’oasis des allures d’Olympe. La nature et la ville s’y mêlaient en une molle étreinte. Les arbres et les pierres s’enlaçaient étroitement ; la terre et l’eau faisaient de même – mariant leurs frontières en des piscines au fond desquelles se voyaient des peintures anciennes, de vieilles mosaïques. Souvent, l’entrée d’une grotte était cachée par un arbre, dont les racines servaient d’escalier. Ailleurs, des nénuphars dans une cuvette faisaient un bassin d’agrément, où folâtraient des flamants blancs auxquels de délicates poteries tenaient lieu d’abreuvoirs. Çà et là gambadaient quelques gazelles montées par des fillettes. Elles soulevaient avec leurs sabots de fines étoiles d’eau, des comètes de sable. Une chatte, sous un palmier, toilettait ses petits.
    — Quel endroit ! s’exclama Morgennes. On se croirait dans une fable ! Tout y est si merveilleux…
    — C’est on ne peut plus vrai, dit Guillaume. La légende veut que la forme si particulière de cette oasis vienne du fait que c’était autrefois le jardin d’Éden. La main de Dieu, en déposant Adam sur terre, aurait marqué à jamais le désert… Des arbres auraient poussé sur ses contours, une source aurait jailli en son centre, tout cela en un instant… Le fruit de l’arbre de la Connaissance serait donc l’une de ces goûteuses dattes blanches, dont nous nous sommes régalés tout à l’heure…
    Une torche dans une niche leur fournit le peu de lumière dont ils avaient besoin.
    Chemin faisant, comme ils passaient entre des murs où couraient des plantes grimpantes, Morgennes demanda :
    — Pourquoi restez-vous ? Vous pourriez rentrer à Tyr, qui est toujours entre des mains chrétiennes…
    — Pour combien de temps ? objecta Guillaume. De toute façon, la question ne se pose pas, puisque j’ai besoin chaque jour d’absorber ces mélanges d’herbes que seules les Moniales savent

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