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Les chevaliers du royaume

Les chevaliers du royaume

Titel: Les chevaliers du royaume Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: David Camus
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courage, que son amour de la guerre et sa passion des intrigues : amoureuses, politiques, militaires… Il avait horreur de s’ennuyer et aurait tué père et mère pour se changer les idées. Il dépensait des fortunes pour faire venir des peintres, des conteurs, des chanteurs, des danseuses, des musiciens…, des quatre coins de l’Arabie, et même d’Inde, de Perse et d’Europe. Sa cour, bien que de taille modeste, était connue pour abriter quelques-uns des plus grands artistes chrétiens, juifs et mahométans du monde. En matière d’art, Nâyif ibn Adid ne se souciait plus de religion. Poètes et trouvères de toutes confessions se retrouvaient en nombre auprès de lui. En 1178, Chrétien de Troyes lui-même y avait séjourné, alors qu’il voyageait en Terre sainte en compagnie du comte de Flandre, Philippe d’Alsace, son protecteur. Chez lui, les artistes étaient considérés comme des héros, le peuple les adorait. Car distraire le cheik des Muhalliq n’était pas aisé. Il était pareil aux princesses des Mille et Une Nuits, et s’ennuyait à mourir.
    Comme elles, Nâyif ibn Adid était toujours célibataire et sans descendance légitime. Son harem lui avait donné quelques plaisirs, de nombreux bâtards et encore plus de soucis – en somme, tout ce qu’apportent les femmes –, mais pas d’épouse officielle. Certains disaient qu’il rêvait de se marier avec Cassiopée ; mais elle refusait ses avances, comme celles de tous les autres.
    On la disait encore vierge. Les enfants ne l’aimaient pas : leur mère était moins dure. Les femmes la jalousaient, et très peu d’hommes osaient l’aborder. Ceux qui s’y risquaient jouaient les fiers-à-bras ou se mettaient à bafouiller. C’était une femme hautaine et sévère, qu’on regardait avec respect, et non sans une once de crainte. On prétendait qu’elle recherchait un homme, le personnage d’un roman. Mais, d’après une autre rumeur, elle avait fait un vœu et s’était juré de ne point accepter d’époux tant qu’il ne se serait pas réalisé. On admirait sa grâce, sa beauté, sa taille élancée et son port de reine. Le fait qu’elle sache se battre aussi bien qu’elle dansait en impressionnait plus d’un, qui n’osaient la louer tant ils redoutaient sa réaction. Elle avait pour qui s’adressait à elle (hormis pour Taqi, apparemment) des mots qui glaçaient le sang. D’une parole, d’un geste, d’un regard, elle vous renvoyait à l’enfance dont vous croyiez être sorti, et vous faisait comprendre que vous seriez toujours un godelureau, qu’en face d’elle aucun homme ne faisait le poids – alors qu’elle-même n’était pas si âgée, même si son visage semblait avoir toujours été celui d’une adulte. À côté d’elle, on n’était rien.
    Elle était à présent montée sur sa chamelle blanche, aux flancs encore noirs de suie. Conformément à la tradition, qui voulait en outre que ce fût une femme qui menât la chamelle, on avait passé au cou de l’animal la fameuse « cloche du ralliement », accrochée à une cordelette en poil de chèvre. Quand elle tinta, les hommes se mirent à crier : « Renfort ! Renfort ! Renfort ! » C’était l’usage : tous ceux qui l’entendaient devaient se joindre à son porteur, et lui proposer de l’aider.
    Morgennes se promit de monter, une fois rétabli, une expédition chargée de traquer Cassiopée à travers le désert. Il fallait à tout prix l’empêcher d’atteindre Bagdad. Mais, d’abord, il devait trouver de quoi boire. Il avisa un champ où plusieurs chèvres et chevreaux avaient été parqués pour la nuit. Le pis des chèvres était lourd de lait. Il pénétra discrètement dans l’enclos, et chercha à en attraper une. Mais les bêtes s’enfuyaient devant lui, bêlant à qui mieux mieux.
    Las de les pourchasser, il attendit, sans bouger. Les chèvres se calmèrent, et il s’avança vers l’une d’elles, suffisamment près pour pouvoir la toucher. Elle avait la blancheur des habits de prière, et ses trayons effleuraient les rares brins d’herbe. Morgennes s’apprêtait à ôter son keffieh lorsqu’un chien aboya furieusement.
    — Encore toi ! s’exclama-t-il en voyant la chienne qu’il avait sauvée des hyènes.
    Elle grognait dans sa direction, apeurée, tournant autour de lui tout en grattant la terre de ses pattes de derrière, comme si elle cherchait à la fois à protéger les chèvres et à le prévenir d’un

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