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Les chevaliers du royaume

Les chevaliers du royaume

Titel: Les chevaliers du royaume Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: David Camus
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le liait à l’évêché de la ville, auquel il s’était engagé à fournir à chaque Pâque – pour la nouvelle année – la crème de ses « reliques ».
    On le voyait souvent rôder dans le désert, en compagnie d’un apprenti, jamais le même, à la recherche de cités antiques ou de lieux autrefois fréquentés par des personnages du Coran et de la Bible – « Ancien, nouveau, apocryphes, tous les Testaments m’intéressent… », précisait Massada. De Bethléem, il rapportait des restes de langes et des jouets de Jésus enfant (poupées de chiffons, chevaux de bois), ainsi que de petites boîtes contenant de la myrrhe ou de l’encens (cadeaux des Rois mages) ; de Jérusalem, des deniers de Judas par demi-douzaines, des branches d’olivier, de nombreux fragments de la Vraie Croix, les derniers souffles du Christ (dans des fioles étanches, bouchées à la cire), ainsi que les bandelettes et les aromates avec lesquelles Joseph d’Arimathie l’avait mis dans la tombe. Il prétendait d’ailleurs entretenir avec ce dernier une relation d’un type étrange, puisqu’il se vantait d’avoir été l’ami de l’un de ses lointains descendants. « Arimathie est l’inventeur de la profession », clamait Massada. Ce qui avait le don de mettre l’évêque de Nazareth en colère.
    On venait de loin pour le voir. Il était inconcevable pour les grands d’Occident de revenir d’Orient sans une relique de chez Massada. Le comte de Flandre, Philippe d’Alsace, et en leur temps Louis VII – qui y laissa des sommes indécentes pour combler sa jeune épouse, Aliénor d’Aquitaine – et Conrad III s’étaient fournis chez lui. Et tous de recommander leur « bon ami » Massada.
    Comme ses reliques étaient fausses, les Templiers et les Hospitaliers avaient reçu la consigne de le laisser en paix. En outre, Massada promettait de remettre immédiatement – moyennant compensation – toute relique susceptible d’être vraie à l’évêché de Nazareth. Car, si l’Église condamnait de la façon la plus ferme ceux qui se livraient à la simonie, elle fermait les yeux sur les diverses activités de celui qui était son « fournisseur officiel » : Massada.
    En échange, il couvrait d’or et de reliques le patriarche de Jérusalem et ses fils, les évêques d’Acre et de Lydda. De temps à autre, il leur faisait un cadeau. Une année, cependant, Massada commit un impair : il offrit onze doigts de saint Jean-Baptiste. Mais Héraclius, le patriarche de Jérusalem, prit le parti d’en rire, et l’incident ne se reproduisit plus.
    « Gare à vous, l’avertissait cependant Héraclius, si vous en trouvez une vraie et ne nous la confiez pas. » Et de faire le geste de lui trancher la gorge, avant d’ajouter : « Les gueux sont à vous, mais les saints sont à moi. N’oubliez pas… »
    Massada tremblait de tous ses membres et promettait : « Non, non, cela n’arrivera jamais. »
    Il était pourtant, à son insu, l’heureux propriétaire d’une véritable relique, qu’il n’avait jamais signalée.
    Malgré son immense fortune, Massada affectait un mode de vie des plus simples. Il dormait et mangeait dans son magasin, qui présentait toutes les apparences d’une boutique d’apothicaire. Où donc était son or ? Nul n’avait de réponse satisfaisante. On échafaudait à ce sujet toutes sortes d’hypothèses, plus farfelues les unes que les autres, allant de dons faits à des Juifs d’Occident afin de soutenir leur cause, à la construction d’une cité dans le désert – où il allait si souvent.
    En fait, ce phénomène avait une explication, ou plutôt en avait deux ; tout comme la bonne fortune de Massada : une vraie, ignorée de tous, et une fausse, connue des plus sages – ou des mieux informés.
    À la question de la pauvreté apparente de Massada, la réponse de ceux qui se croyaient les mieux avertis était à la fois logique et simple : s’il vivait dans l’inconfort, c’était à cause de son mariage. Il faut dire que sa femme, prénommée Fémie, achetait tellement de bijoux qu’il paraissait impossible aux plus avisés que son mari n’en fût pas ruiné. Mais, s’il était toujours si cruellement à court d’argent, ce n’était pas à cause de sa femme : c’était à cause d’un secret.
    Quant à son or, s’il entrait dans ses caisses (même s’il s’y évanouissait, comme l’eau dans le tonneau des Danaïdes), ce n’était pas grâce à la

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