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Les Confessions

Les Confessions

Titel: Les Confessions Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Jacques Rousseau
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très bonne et
aimable fille. Les trois morceaux que j'avais esquissés étaient le
premier monologue, J'ai perdu mon serviteur; l'air du Devin,
L'amour croît s'il s'inquiète, et le dernier duo, A jamais, Colin,
je t'engage, etc. J'imaginais si peu que cela valût la peine d'être
suivi, que, sans les applaudissements et les encouragements de l'un
et de l'autre, j'allais jeter au feu mes chiffons et n'y plus
penser, comme j'ai fait tant de fois pour des choses du moins aussi
bonnes: mais ils m'excitèrent si bien, qu'en six jours mon drame
fut écrit, à quelques vers près, et toute ma musique esquissée,
tellement que je n'eus plus à faire à Paris qu'un peu de récitatif
et tout le remplissage; et j'achevai le tout avec une telle
rapidité, qu'en trois semaines mes scènes furent mises au net et en
état d'être représentées. Il n'y manquait que le divertissement,
qui ne fut fait que longtemps après.
    Échauffé de la composition de cet ouvrage, j'avais une grande
passion de l'entendre, et j'aurais donné tout au monde pour le voir
représenter à ma fantaisie, à portes fermées, comme on dit que
Lulli fit une fois jouer Armide pour lui seul. Comme il ne m'était
pas possible d'avoir ce plaisir qu'avec le public, il fallait
nécessairement, pour jouir de ma pièce, la faire passer à l'Opéra.
Malheureusement elle était dans un genre absolument neuf, auquel
les oreilles n'étaient point accoutumées; et d'ailleurs, le mauvais
succès des Muses galantes me faisait prévoir celui du Devin, si je
le présentais sous mon nom. Duclos me tira de peine, et se chargea
de faire essayer l'ouvrage en laissant ignorer l'auteur. Pour ne
pas me déceler, je ne me trouvai point à cette répétition; et les
petits violons, qui la dirigèrent, ne surent eux-mêmes quel en
était l'auteur, qu'après qu'une acclamation générale eut attesté la
bonté de l'ouvrage. Tous ceux qui l'entendirent en étaient
enchantés, au point que dès le lendemain, dans toutes les sociétés,
on ne parlait d'autre chose. M. de Cury, intendant des menus, qui
avait assisté à la répétition, demanda l'ouvrage pour être donné à
la cour. Duclos, qui savait mes intentions, jugeant que je serais
moins le maître de ma pièce à la cour qu'à Paris, la refusa. Cury
la réclama d'autorité. Duclos tint bon; et le débat entre eux
devint si vif, qu'un jour à l'Opéra ils allaient sortir ensemble,
si on ne les eût séparés. On voulut s'adresser à moi; je renvoyai
la décision de la chose à M. Duclos. Il fallut retourner à lui. M.
le duc d'Aumont s'en mêla. Duclos crut enfin devoir céder à
l'autorité, et la pièce fut donnée pour être jouée à
Fontainebleau.
    La partie à laquelle je m'étais le plus attaché, et où je
m'éloignais le plus de la route commune, était le récitatif. Le
mien était accentué d'une façon toute nouvelle, marchait avec le
débit de la parole. On n'osa laisser cette terrible innovation;
l'on craignait qu'elle ne révoltât les oreilles moutonnières. Je
consentis que Francueil et Jelyotte fissent un autre récitatif,
mais je ne voulus pas m'en mêler.
    Quand tout fut prêt et le jour fixé pour la représentation, l'on
me proposa le voyage de Fontainebleau, pour voir au moins la
dernière répétition. J'y fus avec mademoiselle Fel, Grimm, et, je
crois, l'abbé Raynal, dans une voiture de la cour. La répétition
fut passable; j'en fus plus content que je ne m'y étais attendu.
L'orchestre était nombreux, composé de ceux de l'Opéra et de la
Musique du Roi. Jelyotte faisait Colin; mademoiselle Fel, Colette;
Cuvilier, le Devin; les chœurs étaient ceux de l'Opéra. Je dis peu
de chose: c'était Jelyotte qui avait tout dirigé; je ne voulus pas
contrôler ce qu'il avait fait; et, malgré mon ton romain, j'étais
honteux comme un écolier au milieu de tout ce monde.
    Le lendemain, jour de la représentation, j'allai déjeuner au
café du Grand-Commun. Il y avait là beaucoup de monde. On parlait
de la répétition de la veille, et de la difficulté qu'il y avait eu
d'y entrer. Un officier qui était là dit qu'il était entré sans
peine, conta au long ce qui s'y était passé, dépeignit l'auteur,
rapporta ce qu'il avait fait, ce qu'il avait dit; mais ce qui
m'émerveilla de ce récit assez long, fait avec autant d'assurance
que de simplicité, fut qu'il ne s'y trouva pas un seul mot de vrai.
Il m'était très clair que celui qui parlait si savamment de cette
répétition n'y avait point été,

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