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Les Confessions

Les Confessions

Titel: Les Confessions Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Jacques Rousseau
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m'intimidait de
la part de madame la maréchale ne s'est un moment étendu jusqu'à
lui. Je n'ai jamais eu la moindre défiance sur son caractère, que
je savais être faible, mais sûr. Je ne craignais pas plus de sa
part un refroidissement, que je n'en attendais un attachement
héroïque. La simplicité, la familiarité de nos manières l'un avec
l'autre, marquaient combien nous comptions réciproquement sur nous.
Nous avions raison tous deux: j'honorerai, je chérirai, tant que je
vivrai, la mémoire de ce digne seigneur; et quoi qu'on ait pu faire
pour le détacher de moi, je suis aussi certain qu'il est mort mon
ami, que si j'avais reçu son dernier soupir.
    Au second voyage de Montmorency, de l'année 1760, la lecture de
la Julie étant finie, j'eus recours à celle de l'Émile pour me
soutenir auprès de madame de Luxembourg; mais cela ne réussit pas
si bien, soit que la matière fût moins de son goût, soit que tant
de lecture l'ennuyât à la fin. Cependant, comme elle me reprochait
de me laisser duper par mes libraires, elle voulut que je lui
laissasse le soin de faire imprimer cet ouvrage, afin d'en tirer un
meilleur parti. J'y consentis, sous l'expresse condition qu'il ne
s'imprimerait point en France; et c'est sur quoi nous eûmes une
longue dispute; moi prétendant que la permission tacite était
impossible à obtenir, imprudente même à demander, et ne voulant
point permettre autrement l'impression dans le royaume; elle
soutenant que cela ne ferait pas même une difficulté à la censure,
dans le système que le gouvernement avait adopté. Elle trouva le
moyen de faire entrer dans ses vues M. de Malesherbes, qui
m'écrivit à ce sujet une longue lettre toute de sa main, pour me
prouver que la Profession de foi du vicaire savoyard était
précisément une pièce faite pour avoir partout l'approbation du
genre humain, et celle de la cour dans la circonstance. Je fus
surpris de voir ce magistrat, toujours si craintif, devenir si
coulant dans cette affaire. Comme l'impression d'un livre qu'il
approuvait était par cela seul légitime, je n'avais plus
d'objection à faire contre celle de cet ouvrage. Cependant, par un
scrupule extraordinaire, j'exigeai toujours que l'ouvrage
s'imprimerait en Hollande, et même par le libraire Néaulme, que je
ne me contentai pas d'indiquer, mais que j'en prévins; consentant,
au reste, que l'édition se fît au profit d'un libraire français, et
que, quand elle serait faite, on la débitât, soit à Paris, soit où
l'on voudrait, attendu que ce débit ne me regardait pas. Voilà
exactement ce qui fut convenu entre madame de Luxembourg et moi;
après quoi je lui remis mon manuscrit.
    Elle avait amené à ce voyage sa petite-fille, mademoiselle de
Boufflers, aujourd'hui madame la duchesse de Lauzun. Elle
s'appelait Amélie. C'était une charmante personne. Elle avait
vraiment une figure, une douceur, une timidité virginale. Rien de
plus aimable et de plus intéressant que sa figure, rien de plus
tendre et de plus chaste que les sentiments qu'elle inspirait.
D'ailleurs, c'était une enfant; elle n'avait pas onze ans. Madame
la maréchale, qui la trouvait trop timide, faisait ses efforts pour
l'animer. Elle me permit plusieurs fois de lui donner un baiser; ce
que je fis avec ma maussaderie ordinaire. Au lieu des gentillesses
qu'un autre eût dites à ma place, je restais là muet, interdit, et
je ne sais lequel était le plus honteux, de la pauvre petite ou de
moi. Un jour je la rencontrai seule dans l'escalier du petit
château; elle venait de voir Thérèse, avec laquelle sa gouvernante
était encore. Faute de savoir quoi lui dire, je lui proposai un
baiser, que, dans l'innocence de son cœur, elle ne refusa pas, en
ayant reçu un le matin même, par l'ordre de sa grand'maman, et en
sa présence. Le lendemain, lisant l'Émile au chevet de madame la
maréchale, je tombai précisément sur un passage où je censure, avec
raison, ce que j'avais fait la veille. Elle trouva la réflexion
très juste, et dit là-dessus quelque chose de fort sensé, qui me
fit rougir. Que je maudis mon incroyable bêtise, qui m'a si souvent
donné l'air vil et coupable, quand je n'étais que sot et
embarrassé! Bêtise qu'on prend même pour une fausse excuse dans un
homme qu'on sait n'être pas sans esprit. Je puis jurer que dans ce
baiser si répréhensible, ainsi que dans les autres, le cœur et les
sens de mademoiselle Amélie n'étaient pas plus purs que les miens;
et je puis jurer même

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